Citations sur Les Artistes Célèbres : J. B. Greuze (5)
La peinture a cela de commun avec la poésie, et il semble qu'on ne s'en soit pas encore avisé, que toutes deux elles doivent être bene moratoe, il faut qu'elles aient des moeurs. Boucher ne s'en doute pas, il est toujours vicieux et n'attache jamais. Greuze est toujours honnête et la foule se presse autour de ses tableaux.
Dans le bon ménage que les philosophes ou les littérateurs font quelquefois avec les artistes, les uns pensent et les autres exécutent. Greuze, si bien préparé d'ailleurs, par son origine populaire, aux sujets qu'il allait peindre, n'a été que l'écho de l'ardente et passionnée parole de Diderot. Celui-ci, emballé sur la question de la morale dans l'art comme sur tant d'autres où il n'a pas toujours vu juste, avait à son habitude poussé les choses à l'extrême. Il rêvait une poésie morale, une peinture morale, une sculpture morale.
Il a vraiment créé en France la peinture morale que personne avant lui n'avait abordée dans notre pays. On l'a quelquefois rapproché de Hogarth avec lequel, sauf l'intention, il n'a aucun point de ressemblance. Le peintre anglais met à flageller la nature humaine une sorte de joie amère et grimaçante auprès de laquelle l'indignation théâtrale de Grcuze paraît bien pâle. Un pasteur calviniste qui transporterait ses doctrines sur la toile ne serait ni plus farouche ni plus désespérant que Hogarth. Greuze, moins original, est de meilleure compagnie. Il n'oublie pas qu'il vit au temps le plus poli qui ait jamais existé. Il y a de la réserve, du goût et du choix dans son émotion.
L'heure de la réaction contre les bergeries et les fadeurs mythologiques de Boucher allait sonner; ce fut Greuze qui attacha le grelot et il en eut tout le bénéfice. Son tort fut de remplacer une convention par une autre convention, il y trouva les éléments d'un succès qui, en quelques années, alla jusqu'aux nues.
En ce genre, quoi qu'on puisse penser aujourd'hui de son mérite, Greuze est un novateur. Il a fait pour la peinture ce que Sedaine a tenté pour le théâtre. Il a vraiment créé en France la peinture morale que personne avant lui n'avait abordée dans notre pays. On l'a quelquefois rapproché de Hogarth avec lequel, sauf l'intention, il n'a aucun point de ressemblance.