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Critique de clouc


Acide sulfurique est une fable dystopique qui dépeint les proportions extrêmes atteintes par la télé-réalité. le programme TV "Concentration" met en scène des détenus, sélectionnés aléatoirement lors de rafles ; et les kapos, leurs gardiens et bourreaux qui n'hésitent pas à abuser de leur pouvoir pour exciter l'audience. Ces derniers organisent des mises à mort de détenus, qui sont le clou du spectacle.

Ce jeu cruel n'est pas sans évoquer Hunger games (où nous n'avons pas non plus accès au monde réel, celui des spectateurs) ou même Squid games (par l'expérimentation sociale, l'observation des comportements humains pris dans l'effet de groupe).

Le texte accorde beaucoup d'importance aux dialogues, ce qui n'est pas inhabituel chez Nothomb. Ne s'embarrassant pas d'une narration qui pourrait pourtant convenir à ce genre de thématique, elle choisit un format épuré, nous plongeant immédiatement dans l'univers concentrationnaire d'une société mal définie, dans un futur difficile à estimer. Cela permet néanmoins d'en faire une fable intemporelle, dont la lecture bien que rapide porte à réfléchir.

La déshumanisation que subissent les détenus est fidèle au cliché : coups, brimades, privation du droit à la parole, de leur nom, remplacé par un matricule tatoué sur le bras. Deux personnages se distinguent : la kapo Zdena, brutale, cruelle et laide, et la détenue CZ114 sur laquelle elle n'a de cesse de s'acharner, et dont la beauté éblouit et fascine tous les participants du programme. La relation entre les deux personnages est centrale dans le roman et contribue au succès de l'émission. Zdena est une machine de guerre qui s'adoucit par l'amour grandissant et improbable qu'elle voue à CZ114.

De son vrai nom Pannonique, CZ114 est la seule qui se rebelle, s'emparant de la parole pour tenir tête à l'autorité, cherchant à provoquer une prise de conscience de la part du public : "Spectateurs, éteignez vos télévisions ! Les pires coupables c'est vous !". La violence n'a plus de sens que par le spectacle : "Tu fais ce que tu veux, kapo Zdena, mais devant les caméras". Les coups doivent être filmés, montrés, commentés. Cela questionne sur la satisfaction que nous éprouvons à notre tour en tant que lecteurs, des souffrances injustes infligées aux détenus. Comment arrêter la machine infernale ?

Pannonique, par son courage et son aura, endosse son statut d'héroïne, d'Antigone moderne. le miracle intervient quand elle ose dévoiler son nom, bravant l'interdit et satisfaisant ainsi la curiosité de tous. Elle devient "dame" aux yeux des autres détenus, repère dans leur désespoir, promettant le retour de la "civilisation" dans ce monde de brutes, ce qui est aussi renforcé par l'emploi volontaire du vouvoiement par tous les détenus entre eux. Révéler son nom amplifie par ailleurs sa beauté déjà insoutenable, Pannonique devient figure christique, sur fond de réflexions religieuses et métaphores bibliques ; esthétique que Nothomb maîtrise à la perfection.

La parole seule est garante d'espoir et de justice.
"Si tu parles tu meurs ; si tu ne parles pas, tu meurs. Alors parle et meurs".
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