AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Antyryia



"Ah! frappe-toi le coeur, c'est là qu'est le génie.
C'est là qu'est la pitié, la souffrance et l'amour ( ... )"
Ces vers d'Alfred de Musset, qui donnent son titre au nouveau roman d'Amélie Nothomb, trouveront plus d'une explication au fur et à mesure de la lecture. 
Même si le cerveau a depuis pris la place légitime d'organe des émotions et des sentiments, au XVIIIème siècle c'était le coeur qui en était au centre.
"Je comprends que les anciens y aient vu le siège de la pensée, de l'âme et de ces sortes de choses."
D'un point de vue scientifique, une interaction entre le coeur et le cerveau n'est cependant pas à exclure, le coeur disposant de sa propre mémoire émotionnelle. 
Ne dit-on pas que le coeur a ses raisons que la raison ne connaît pas ? 
D'un point de vue littéraire, bien plus qu'une valve qui meut le sang dans notre corps, le coeur est demeuré ce symbole d'amour, qui bat la chamade lorsque Cupidon le transperce d'une flèche. 
 
Frappe-toi le coeur, c'est d'abord l'histoire de Marie. Séductrice, enjôleuse, insouciante, elle aurait pu être un bourreau des coeurs si elle n'était pas uniquement animée par le besoin de susciter l'envie et de provoquer la jalousie d'autrui. 
Et pourtant, le brillant avenir auquel elle était promise va tourner court peu après sa rencontre avec un convoité pharmacien. 
"Je suis enceinte, j'ai dix-neuf ans et ma jeunesse est déjà finie."
A la naissance de Diane, Marie ne ressentira rien. Ni joie ni déception.
Son coeur est-il de pierre ? 
Désormais, le regard de ses proches est davantage attiré par son petit ange et elle a l'impression de ne plus être au centre du monde.
"Elle est maladivement jalouse de sa fille. C'est ça qui l'empoisonne."

Progressivement, Marie s'effacera au profit de Diane, qui sera au coeur de l'intrigue. Dès sa plus tendre enfance, la petite s'avérera si intelligente qu'elle sera capable de réflexions métaphysiques.
"Elle est très en avance sur son âge, elle est d'une précocité qui me stupéfie."
A la recherche d'affection, c'est le coeur gros que la fillette constatera que sa mère ne l'aime pas. Elle en aura d'ailleurs le coeur net quand la famille s'agrandira, et que sa maman étouffera de baisers et d'attentions sa petite soeur, alors qu'elle se sent toujours aussi invisible. 
"Mon explication de l'univers s'écroule."
A contrecoeur, elle cherchera à combler autrement ce manque d'affection, cette privation d'amour maternel. 
Ce sont ses grands-parents qui l'élèveront, et leur tendresse lui donnera un peu de baume au coeur. 
Elle se fera de rares amies, se consacrera à ses études de tout son coeur, mais l'absence de lien mère-fille laissera à jamais une blessure.

Dans ce livre, Amélie Nothomb parle à coeur ouvert des sentiments, mais pas de ceux qui sont liés au coup de foudre ou à la complicité grandissante de deux personnes éperdues l'une de l'autre. L'amour dont il est ici question est celui qui est censé être inné et inconditionnel : Celui d'une mère pour sa fille, celui d'un enfant pour ses parents. Et quand ce lien n'existe pas, est-il possible pour l'enfant de combler le vide dans sa poitrine ? 
Le schéma parental se reproduit-il systématiquement ? 
La froideur, la distance, peuvent-ils empêcher d'aimer ?
Y a-t-il une recherche d'une figure parentale dans chaque amitié avec une personne plus âgée ?
Certains passage cruels nous mettent le coeur au bord des lèvres. On ressent énormément d'empathie pour le personnage de Diane, qui a vraiment le coeur sur la main. Il ne sera pas seulement question du lien brisé entre sa mère et elle puisque plus tard dans le roman nous verrons d'autres exemples de ruptures de ce lien parental, et il faudra avoir le coeur bien accroché : Il y a bien pire que de ne pas aimer son enfant ou d'en être jaloux. 

Le style Amélie Nothomb, c'est celui que l'on connaît par coeur. Même s'il ne s'agit cette fois pas de la réécriture d'un conte, cette histoire est rédigée à la façon d'une fable moderne disposant de sa propre morale. Pas de prénoms inusités cette fois à de rares exceptions près, et si le champagne est présent il demeure discret. 
Le roman demeure court, le style est toujours aussi inventif, soigné, élégant, raffiné. Reconnaissable en quelques lignes.
Pas un coup de coeur cependant, même si j'ai beaucoup apprécié les thèmes et l'originalité prise par la tournure des évènements, j'ai aussi trouvé que trop d'éléments de départ avaient été délaissés ou escamotés, comme si l'auteure avait été elle même surprise par la direction prise par son récit.
Mais je le conseille cependant de bon coeur : ça faisait longtemps que je n'avais pas pris autant de plaisir à lire cette auteure, petit rituel annuel de la rentrée littéraire.

Ps : N'hésitez pas à laisser un commentaire si le coeur vous en dit !
Commenter  J’apprécie          4514



Ont apprécié cette critique (32)voir plus




{* *}