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28 septembre 2022
L'analyse sérieuse n'exclut pas les délices de la provocation verbale

Ce numéro spécial de Nouvelles Questions Féministes entend relayer la vitalité et l'actualité de l'oeuvre de Christine Delphy. Début 2021, nous lancions l'appel à contributions « Faire avec Delphy ». Il aura fallu que Christine entame sa 80e année et que certaines d'entre nous aient déjà passé vingt ans dans le comité de rédaction de la revue à ses côtés pour que nous entreprenions de lui consacrer un numéro !
Chacun à leur manière, les trente-trois textes publiés ici montrent comment les écrits et les interventions de Delphy viennent questionner des expériences communes aux femmes, mais également l'action politique et scientifique, la réflexivité et les postures personnelles. Il en ressort que sa pensée transforme des trajectoires militantes et intellectuelles, elle peut même transformer des vies. « Faire avec Delphy » provoque ces changements, par des débats et des confrontations, des émotions et des expériences, par des manières fortes de s'approprier son travail théorique et engagé.

Dans leur édito, Laurence Bachmann, Ellen Hertz, Marianne Modak, Patricia Roux, Lucile Ruault abordent, entre autres, les traductions, le militantisme et les activités intellectuelles, les profils hétérogènes de celleux qui contribuent à ce numéro, « En ce sens, nous avons choisi de jouer pleinement le jeu du titre du numéro : nous avons laissé libre champ aux auteur·e·s pour décrire leurs manières de s'approprier la pensée de Christine Delphy, ses actions et ses écrits, sans prendre position, notamment dans cet édito, sur le «vrai» ou le «faux» des propos tenus », l'entrelacement entre les activités de théoricienne et de militante, « Sans doute parce que ses activités de théoricienne et de militante n'ont cessé de s'entrelacer, ses idées restent incisives et indispensables pour qui veut penser le monde en féministe et s'investir dans une lutte radicale contre le patriarcat ; ses engagements au fil du temps attestent d'une pensée en mouvement, courageuse et à l'affût des formes, sans cesse renouvelées, d'injustices sexistes, racistes, lesbophobes et homophobes ».
Les éditorialistes insistent sur la personnalité généreuse de l'autrice, son humour et sa capacité à tourner en dérision, l'articulation entre sexisme et racisme, les ressources « pour penser et agir », un féminise exigeant « avant tout pour les féministes elles-mêmes », la démystification des codes de la masculinité – y compris dans le domaine des savoirs -, les mots politiques, les traductions des vécus subjectifs des dominé·es, etc. Un femmage, des partages, des transmissions…
Les contributrices et les rares contributeurs racontent comment iels se sont approprié les idées de Christine Delphy, les bouleversements qu'iels ont connu, y compris dans le registre de l'intime.
Il ne me semble pas utile d'entrer dans le détail de chaque ou de quelques contributions. Il est significatif que certain partage des analyses de Christine Delphy conduise à des conclusions en partie contradictoire. Une pensée radicale ne peut-être enclose.

Une lecture subjective. Je souligne particulièrement les discutions sur le travail domestique, la division sociale et sexuelle du travail, le genre et les sexes, le concept de classe de sexe, les dimensions matérielles de l'oppression, les discours et les pratiques coercitives et autoritaires faisant système, l'imbrication des systèmes de domination, l'illusion de « l'égalité-déjà-là », les pratiques sociales, les hiérarchies dissimulées sous couvert de différences, les travaux pionniers du « féminisme radical », l'hétéronormativité, le pouvoir de nommer, le racisme, la fabrique sociale du marqueur d'âge et le statut de mineur, les paysannes, les catégories et les hiérarchies, le continuum de violences masculines, l'intersectionnalité, la matérialité du patriarcat, la critique de la théorie de la reproduction sociale (SRT), « Ainsi dans la SRT, l'oppression des femmes n'est pas comprise comme ayant une existence en soi, et de multiples aspects de cette oppressions – partagée entre classes – sont ignorés » (CatherineWeiss)…

Je n'oublie pas le sens de l'effort théorique féministe, les luttes de femmes, l'autonomie féministe, la révolte et la colère, « il faut abattre tous les murs en abolissant le genre » (Sabine Lambert), la discrimination positive, les quotas…

Je n'oublie pas non plus les « amis » et leurs leçons de féminisme (du point de vue des hommes), l'occultation des dominants (le genre ne concerne pas que les femmes) et de leur appropriation individuelle ou collective du travail des femmes, le répertoire d'inaction domestique des hommes, « l'embauche d'une travailleuse domestique est une manière parmi d'autres de continuer à se faire servir – et par deux femmes plutôt qu'une : il leur suffit de mettre la main à la poche pour ne pas avoir à la mettre à la pâte » (Laure Carpentier-Gofffre), leur consentement aux violences et au viol…

Christine Delphy a contribué à reformuler les horizons du possible, les lectures proposées en sont une illustration.

Le titre de cette note est emprunté à Afi Avdela et Angelika Psarra.
Lien : https://entreleslignesentrel..
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