Les laveries ne représentent malheureusement qu'un aspect du vaste système des écoles de redressement en Irlande, dans lesquelles des dizaines de milliers d'enfants furent victimes de monstrueux abus et mauvais traitements.
On estime à 30 000 le nombre de femmes incarcérées dans les laveries au cours du vingtième siècle.
Les lecteurs seront probablement choqués d'apprendre que la dernière laverie ne fut fermée qu'en 1996 et que la plupart des femmes, esclaves d'un labeur non rétribué, se trouvent aujourd'hui totalement dépendantes des ordres religieux dont elles furent les prisonnières durant tant d'années
Mais les actes valent plus que les longs discours.
Epilogue : la raison de ce livre.
Voici pourquoi j'ai souhaité raconter mon histoire.
J'ai été battue et frappée, parfois au point de ne plus pouvoir marcher, parfois jusqu'à la fracture ; j'ai servi de cobaye pour des traitements par électrochocs et des médicaments de toutes sortes ; j'ai subi mes premiers attouchements à l'âge de cinq ans, puis ai été régulièrement abusée et violée à compter de l'âge de sept ans ; des mains nauséabondes ont bâillonné ma bouche pour m'empêcher de crier ; d'autres ont serré mon cou, et j'ai cru étouffer ; on m'a maintenue de force sous l'eau et menacée de multiples façons. J'était une petite fille sans protection, qui avait peur de parler. Aujourd'hui les blessures que l'on m'a forcée à tenir secrètes toutes ces années sont révélées au grand jour. Je suis meurtrie, certes, les cicatrices ne guériront jamais complètement, mais je n'ai plus peur. Je sais que j'étais une enfant innocente, terrorisée et sans défense. Je peux enfin construire ma vie.
Quelques paroles gentilles peuvent transformer la journée
De celui qui est en souffrance,
Voire lui sauver la vie.
Si quelqu'un m'avait accordé un peu de temps et d'attention
Il m'aurait sauvée de plusieurs années
D'abus et de tourments.
Et bien d'autres que moi également.
Les histoires de filles violées et engrossées après leur arrivée à la laverie étaient légion. Aucune, sans exception, n'avait le droit de garder son bébé. Toutes se voyaient forcées de le laisser à la nursery du couvent afin de retourner travailler. Les malheureuses nous confiaient leur déchirement, et nous racontaient qu'une collecte avait lieu une fois par mois pour emmener les bébés vers le nord, d'où ils étaient expédiés par bateau vers les Etats-Unis. Plusieurs d'entre elles avaient vu le registre prouvant qu'ils avaient été vendus à de riches Américains : y étaient consignés les noms des bébés et leurs prix.
Les travailleuses qui mouraient à la laverie étaient enterrées dans le cimetière du couvent. Lorsqu'une Madeleine décédait, son corps était transporté à ciel ouvert, simplement enveloppé dans un drap, sur une charrette à bras tirée par deux hommes - souvent les employés affectés à l'entretien du domaine. Une croix noire, symbole du démon, était placée sur le corps pour s'assurer que la défunte irait directement en enfer.
Il m'abreuvait d'insultes en affirmant que le démon était en moi et qu'il aurait mieux fait de me noyer dès la naissance, car personne ici ne voulait de moi ; il m'aurait mise dans un sac et jetée à la rivière tel un chaton encombrant, et j'aurais sombré dans les profondeurs.
Je me blottissais généralement dans un coin, et notre chienne Teddy venait s'étendre à mes pieds pour me tenir chaud.Je me souviens d'une nuit où j'avais si froid que je dormis avec elle dans sa niche, toutes deux serrées l'une contre l'autre.
Kathy n'avait que sept ans lorsqu'elle s'est fait violer pour la première fois, la veille de sa première communion. A la suite de cela, une équipe de médecins chapeautée par un psychiatre "diagnostiquèrent" chez elle un "caractère difficile" et l'envoyèrent dans un foyer de redressement de Dublin dirigé par des religieuses.