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Critique de Takalirsa


Mille pages en compagnie de Norma Jeane : un vrai bonheur !
L'auteur a beau se défendre d'avoir écrit une biographie, elle nous immerge de manière très cohérente dans la vie de celle qui restera, plus ou moins malgré elle, la célèbre et charismatique Marilyn Monroe. Au départ le style surprend, car si le récit se déroule de manière chronologique, le texte épouse l'esprit de l'héroïne dans tous ses méandres. On est donc beaucoup dans le ressenti (pas toujours objectif), dans l'émotion (impossible à raisonner) et la confusion (lors des crises). le résultat est captivant, on a vraiment l'impression de partager avec Norma Jeane tout ce qu'elle traverse, les périodes de doute comme les réussites, les obsessions, les petites joies et, de plus en plus au fil du temps qui passe, les grandes détresses, dans un tourbillon de montagnes russes.

Le roman débute alors qu'elle est toute petite et d'emblée on pressent que le parcours sera chaotique. Un père chimère qu'elle passera sa vie à espérer (« Ma loyauté va à Mère. Mais c'est à lui que mon coeur appartient. »), le recherchant dans tous les hommes (plus âgés) qu'elle épousera (et surnommera systématiquement « Papa »...). Une mère « mentalement instable » qui se trouve vite internée et que Marilyn tiendra cachée bien que lui rendant visite régulièrement (par affection ou par mauvaise conscience?). Est-ce d'elle que la jeune femme tient ses propres « changements d'humeur », son côté imprévisible ? Sa capacité à « habiter si profondément son personnage » n'est-il pas une forme de schizophrénie ? Car chaque fois qu'elle change de rôle, Marilyn semble littéralement incarner son personnage quel qu'il soit - Angela, Rose, Cherie, Sugar Kane « c'est moi » : « Ce ne sont pas que des rôles. Elles sont en moi. Je suis elles. »

Une chose est sûre : la petite Norma Jeane a manqué d'affection et se révèle « en perpétuelle demande d'amour » (« Il y avait une prière dans ses yeux : Aimez-moi ! »). Portant les prénoms d'actrices (Jean Harlow et Norma Talmadg), fille d'une employée du Studio, imprégnée de films de « Belle Princesse et Beau Prince ténébreux » (comme son père?), c'est tout naturellement qu'elle se dirige vers le monde du cinéma. Un univers malheureusement pas fait pour cette personnalité « docile et effacée », ultra sensible et manquant de confiance en soi, dont « le comportement était inconsciemment provoquant », « bombe sexuelle d'adolescente » qui s'ignore et ne rêve que de mariage parce que « une femme mariée est une fille qui est aimée »...

On assiste à ses débuts en tant que modèle puis à la naissance du look Marilyn, tandis que l'âme de Norma Jeane s'étiole toujours plus. C'est une « NOUVELLE VIE » qui commence, « je suis une starlette, je suis MARILYN MONROE », véritable « produit hollywoodien » surexploité que la jeune femme va (ô surprise!) rapidement détester parce que tellement éloigné « de qui elle était » - mais sait-elle réellement qui elle est ? Marilyn n'est qu'une caricature, comme tous ces gens qu'elle croisera dès lors et qui sont uniquement désignés par leur rôle social : « l'Ex-Sportif », « le Dramaturge », « les Gémeaux » et elle-même, « l'Actrice blonde »... Une « vulgaire idiote » au nom « totalement bidon », que tout le monde méprise (« cette fichue bande d'acteurs britiches qui la traitaient de haut »), que l'on cantonne au rôle de « caricature sexuelle dans une énième farce sexuelle imaginée par des hommes pour des hommes » alors que son talent est indéniable car « être simplement "doué" ne sert à rien sans d'autres qualités de caractère : courage, ambition, persévérance. », n'est-ce pas ? Plus d'une fois cette femme par ailleurs intelligente et (auto) instruite écrasera « dans quasiment toutes leurs scènes communes » le premier rôle masculin, souvent plus chevronné qu'elle. Plus d'une fois le réalisateur « a dû reconnaître qu'il s'est totalement trompé sur le compte du « mannequin blond Monroe », que « au début d'un exercice, elle bégayait un peu, puis elle en venait à bout, on voyait sa timidité se dissiper et ce regard apparaître dans ses yeux comme si un autre moi prenait le dessus ». Alors le personnage du scénario naissait sur le plateau, soit que « elle ne sait pas jouer du tout, soit elle joue tout le temps. Sa vie entière est un numéro, comme de respirer. »

Un numéro qu'on ne laissera jamais Norma Jeane abandonner malgré ses suppliques (« Laissez-moi, s'il vous plaît. Je ne suis pas celle que vous v... voulez. ») : « Il était épuisant de jouer un tel rôle mais il n'y en avait pas d'autre pour elle »... Elle qui, « se regardant dans la glace, ne voyait pas la Belle Princesse que tout le monde voyait et admirait, mais la Mendiante qu'elle avait été » et se sentait toujours être un peu... Norma Jeane essaiera plus d'une fois de s'éloigner des plateaux, de vivre « loin de la ville. Loin de l'attente des autres. Des yeux éternels des autres. », notamment pour se consacrer à « Bébé ». Mais sans cesse elle sera ramenée dans la lumière, dans le factice, pour « se parodier et s'avilir » sous le terrible regard des autres qui juge « la valeur de mon existence », à grand renfort de maquillage (« Elle arrive ! Elle est presque là ! Marilyn ! ») et de médicaments (encore un héritage maternel?) jusqu'à ce que se brise définitivement son « âme endolorie » : « Ton talent pour l'écran était apparemment plus grand que ton talent pour la vie, ma chère Fille »...
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