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Critique de Nastie92


Il y a des films d'horreur... et des livres d'horreur. Celui-ci en est un.
Et quand on sait qu'il est écrit par la reine en la matière, les attentes sont élevées.
Une fois de plus, Joyce Carol Oates ne m'a pas déçue.
Oh non, c'est beaucoup trop faible dit comme ça. Elle m'a happée dans son histoire et m'a promenée dans un tourbillon d'atrocités.
Mais attention, avec JCO (si vous me permettez cette abréviation, en aucun cas irrespectueuse, mais admirative et affectueuse), il ne s'agit jamais d'horreur gratuite, crue, provocante et vomitive comme chez Bret Easton Ellis dans American Psycho.
JCO est bien plus fine. L'horreur, elle la suggère. Elle vous la glisse telle une image subliminale dans une petite phrase ou un simple petit mot qui, hors du contexte seraient anodins, mais qui prennent tout leur sens dans l'astucieuse construction.
"Donne-moi la main dit-elle." ouvre le livre, le petit Robbie est en sécurité avec sa maman ; "Donne-moi la main, dit-il." débute le chapitre sept, alors que l'enfant est avec son ravisseur. Quelle horrible symétrie, mais quelle habileté ! Tout l'abomination de la situation est là, entre ces deux phrases insignifiantes en apparence, et qui m'ont bouleversée, fait hurler intérieurement : "Non, non, non ! Robbie ne devrait pas être là avec Daddy Love. Sa place est avec sa maman !"
Daddy Love.
Quelle invention ! Quelle ironie dans ce nom ! La juxtaposition du diminutif enfantin Daddy, si plein d'amour et de confiance, et de Love, qui n'a pas besoin d'être expliqué. C'est diabolique d'avoir choisi un tel nom pour un tel personnage.
Je pense qu'il y a un petit côté cruel et pervers chez JCO, et qu'il ressort plus ou moins selon ses romans. Ici, nous ne sommes clairement pas au bas de l'échelle.
Alice Ferney dans le ventre de la fée nous faisait entrer dans la tête d'un serial killer ; ici, Joyce Carol Oates nous emmène dans celle d'un pervers sexuel, kidnappeur de petits garçons. Si je rapproche ces auteurs que j'aime, c'est parce que je trouve dans leurs deux romans beaucoup de points communs malgré leurs différences : l'absence de limite dans la mise à nu de l'atrocité, leur façon de faire naître le dégoût chez le lecteur par de petites phrases plus suggestives que descriptives, le réalisme de leur personnage. Et surtout le fait que le Gabriel de l'une est aussi intelligent que le Daddy Love de l'autre, ce qui les rend malheureusement plus "efficaces" dans leurs actions. Plus humains dans leur monstruosité aussi, et donc plus effrayants.
Oui, Daddy Love est effrayant. Il est effrayant pour Robbie bien sûr, et pour le lecteur qui suit son parcours.
Mais pour les gens qu'il côtoie, il sait dissimuler. Pire, il se montre serviable et enjôleur. Insoupçonnable, donc. Le genre d'homme dont ceux qui ont vécu des années près de chez lui disent face à la caméra "On n'a jamais rien remarqué. C'était un homme sans histoires, un si gentil voisin." une fois sa véritable nature révélée.
Chaque année, je retiens ma respiration au moment de l'annonce du prix Nobel de littérature... et chaque fois, je suis déçue. Quand les jurés vont-ils enfin se décider à récompenser Joyce Carol Oates ?
Je ne vais pas faire dans l'originalité pour conclure, je reprends ce que j'avais écrit dans ma critique du roman Au commencement était la vie.
Je me dis toujours, après avoir refermé un de ses romans que je pourrais croiser l'une de ses créatures... en fait, que j'en croise peut-être sans le savoir... qu'un de mes voisins sous une charmante apparence a les mêmes fêlures qu'un des multiples personnages que cet écrivain de génie a créés...
On ne voit plus le monde de la même façon après avoir plongé dans l'univers de Joyce Carol Oates !
Lisez et jugez par vous-même, mais je vous aurai prévenus : c'est à vos risques et périls.
Cette lecture est dérangeante, j'en ressors ébranlée, mais que j'aime être bousculée quand c'est fait avec autant de talent !
Une fois de plus, merci madame Oates.
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