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Critique de Prailie


Que l'on ne compte pas sur moi pour résumer l'intrigue, qui est ici particulièrement sanglante, vénéneuse, entremêlée...... Je dirai plutôt que j'ai été totalement bluffée par l'habileté avec laquelle C.Oates la conduit, entremêlant les points de vue et les parti–pris narratifs; nous amenant à deviner l'explication des "mystères", mais sans la formuler explicitement.
Très habile, en effet, cette façon de nous promener entre le point de vue du romancier en surplomb, qui sait tout sur chaque personnage, et nous annonce à l'avance certaines circonstances malheureuses ...
Ou bien, tout au contraire, d'adopter un point de vue presque naïf, qui colle au plus près aux superstitions, aux préjugés, aux erreurs de jugement, d'une communauté humaine en quelque sorte "pré-scientifique ". On est en effet à la fin du 19ème siècle, aux Etats-Unis, dans une société très corsetée, encore très imprégnée de puritanisme, et qui va se trouver confrontée au surgissement de monstrueuses vérités cachées: des relations amoureuses abusives, des infanticides, des irruptions de violence, des crimes sadiques....

Passant d'une intrigue à tonalité nettement fantastique dans la première partie à celles, plus policières, des deux autres parties, Oates fait le plus souvent progresser son récit par accumulation de ragots, commérages plus ou moins bien intentionnés, analyses erronées, témoignages contradictoires. Et ce faisant, l'air de ne pas y toucher, dénonce les préjugés de race, de sexe, de classe sociale ou de religion qui constituent la grille de lecture " naturelle" d'une société.
À mes yeux, les vrais mystères de Winterthurn ne résident donc ni dans les quelques points que le récit laisse irrésolus , ni dans l'interrogation sur la part obscure de la nature humaine. le vrai mystère c'est plutôt cette volonté d'aveuglement qui par réflexes grégaires, accumulation d'idées préconçues, empilement de sottises, pousse un groupe social à refuser de voir les vérités les plus évidentes et à s'acharner - jusqu'au lynchage - sur le faux coupable désigné par la voix populi. Ou conduit un détective à fermer les yeux sur une machination perverse, malgré le nombre de victimes innocentes qu'elle a pu entraîner.

En définitive, avec ses trois parties, son foisonnement d'intrigues et de personnages, ce gros, très gros roman est construit autour d'une ligne relativement claire: il nous raconte comment les deux cousins Xavier et Perdita parviendront à vivre leur amour, en dépit (ou à cause) du passé familial de l'une, marqué par de monstrueux non-dits, et de l'attirance de l'autre pour le morbide et pour le crime.
Ainsi Oates nous montre-t-elle à la fois un "happy end" et un double échec. Xavier est en effet un enquêteur à la Sherlock Holmes, mais qui par deux fois aura échoué à faire éclater la vérité : dans une première affaire parce qu'il n'est pas suivi par l'opinion alors qu'il a désigné sans ambiguïté le coupable; dans la deuxième parce qu'il s'est aveuglé sur l'identité du criminel.

Roman ténébreux, buissonnant, et bien sûr presque trop riche par moments... Mais quel plaisir que le rendez-vous quotidien avec un bon gros bouquin de 7 ou 800 pages, plein de "mystères", de rebondissements, de surprises. Et quel bonheur qu'un écrivain prolifique, qui de livre en livre se renouvelle sans cesse et jamais ne vous déçoit!
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