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Critique de chocobogirl


Yumiko est japonaise mais vit à Londres depuis une dizaine d'années. Graphiste, elle vit avec Mark et se sent parfaitement bien intégrée aujourd'hui, bien que ce ne fut pas forcément facile. Elle aime l'agitation de la ville, son énergie, son melting-pot. Elle s'y sent chez elle. Puis un matin, c'est le choc. Son frère l'appelle pour lui annoncer la mort de leur père dans un accident de montagne. Yumiko retourne alors au Japon le temps des obsèques. Un retour aux sources qui sera l'occasion pour la jeune femme de s'interroger sur son identité, sur ses racines.

Trentenaire exilée à Londres, Yumiko est un exemple d'intégration. Après des études de graphisme, elle dirige désormais sa propre société et va bientôt se marier avec un londonien. Pourtant, un malaise reste sous-jacent. Elle évite le regard des japonais qu'elles croisent dans la rue et ses retours au pays natal se font assez rares. le décès de son père va l'obliger d'une certaine façon à envisager sa propre vie d'un autre oeil : le sien. Car difficile de forger sa propre identité entre un père plutôt traditionnel qui voulait la voir revenir au Japon et épouser un de ses compatriotes, et une mère auteure, indépendante et divorcée, qui la pousse à saisir les opportunités de carrière.

Le deuil est l'occasion pour la jeune femme de se rapprocher de sa famille mais aussi de s'en séparer. Elle n'est plus une petite fille, elle n'a plus à demander la permission à papa de faire ce qu'elle a envie de faire et ne veut plus jouer le rôle que maman aimerait qu'elle joue. Il est l'heure d'être elle-même, d'accepter ses racines, de ne pas les rejeter tout en se laissant la liberté d'agir selon nos propres désirs.

A travers le cérémonial bouddhiste de la crémation, à travers ses souvenirs, on découvre peu à peu les pensées introspectives de la jeune femme qui se mêle aux apparitions d'un acteur de théâtre No, rappelant la codification extrême et les rôles que parfois on voudrait nous imposer. On partage sa difficulté devant la mort : les mots que l'on a pas pu dire, les larmes qui ne coulent pas, les rituels religieux qui perdent leur sens, … Les sentiments sont exprimés avec beaucoup de délicatesse, de retenue. Ils sont pourtant bien présents et l'émotion emporte le lecteur avec subtilité.

C'est avec une aquarelle délicate aux teintes douces et presque éteintes, mélange d'influences asiatiques et européennes, que l'auteur nous offre ce récit initiatique autour du déracinement et de l'identité. On peut d'ailleurs penser que ce dernier évoque sa propre expérience. Graphiste lui aussi, il vit à Londres depuis une vingtaine d'années. Pourtant, c'est la voix d'une femme qu'il nous laisse entendre. La voix mélancolique d'un être sensible, partagé entre l'attachement à la famille et le besoin de s'en émanciper. La voix douloureuse aussi de ne plus pouvoir partager ses joies, ses peines avec l'absent. Mais la voix de celle qui sait désormais où est sa place dans le monde. Un chapitre se ferme. Un autre est à écrire.
Lien : http://grenieralivres.fr/201..
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