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Citations sur La femme du tigre (14)

Des années durant, nous avions lutté pour conserver notre insouciance face à la guerre. Dés qu’elle se termina - sans prévenir, sans même nous avoir touchés en Ville -, notre indignation éclata. […] Il nous fallut surtout lutter pour prouver que nous méritions d’en arriver là, donner tort aux journaux qui prophétisaient l’échec de la génération de l’après-guerre.
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Quand un homme meurt, il a peur et te prend tout ce dont il a besoin; ça fait partie de ton boulot de médecin de le lui donner, de le consoler, de lui tenir la main. Les enfants, eux, meurent comme ils ont vécu - dans l'espoir. Ils ne savent pas de quoi il retourne, si bien qu'ils ne s'attendent à rien, ils ne te demandent pas de leur tenir la main - et, à la fin, c'est toi qui as besoin qu'ils serrent la tienne. Face aux enfants, tu ne peux compter que sur toi.
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La guerre nous avait contraints à prendre des décisions en nous appuyant sur des circonstances étrangères à notre quotidien, et nous ne parvenions pas à nous détacher de cette sorte de privilège que nous ne demandions qu'à expier.
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Il y avait quelque chose d'impérissable dans les souvenirs d'enfance de mon grand-père. Toute sa vie, il s'est rappelé la chaude atmosphère de la boutique de l'apothicaire et le grand ibis rouge, sévère et muet dans sa cage. La boutique incarnait un ordre sublime, une symétrie fascinante, que le simple fait de rentrer chez soi avec le nombre requis de moutons ne suffisait pas à combler. J'imagine mon grand-père, une chaussette en tire-bouchon, en train d'observer devant le comptoir les étagères chargées de bocaux à n'en plus finir, les flacons bombés de médicaments, en se délectant de leurs promesses sereines de bien-être.
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Dans la pratique, je ne l'ai pas fait baptiser du tout. Mon nom, ton nom, le sien. En fin de compte, tout ce qu'on veut, c'est que quelqu'un nous regrette quand vient l'heure de nous mettre en terre.
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Dans l'esprit de mon grand-père, le diable recouvrait bien des notions. Le diable, c'était Leši, le lutin rencontré dans les prés, qui vous réclamait des pièces de monnaie -envoyez le promener et il mettra la forêt sens dessus dessous au point que vous n'y retrouverez plus votre chemin. Le diable, c'est aussi Crnobog, le dieu cornu qui convoquait les ténèbres. Quand vous faisiez des bêtises, vos aînés vous envoyaient au diable. Vous-même n'aviez le droit d'envoyer quelqu'un au diable que si vous étiez bien, bien plus âgé que lui. Le diable, c'était enfin le fils cadet de Baba Roga, qui caracolait sur un cheval noir dans le bois et que l'on connaissait sous le nom de Nuit.
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La guerre chamboula tout. Une fois dissociées, les composantes de notre ancien pays perdirent leurs caractéristiques de jadis, du temps où elles formaient les parties d'un tout. Ce qui nous était jusque-là commun -les monuments, les écrivains, les scientifiques et les anecdotes-, nous dûmes nous le répartir et nous le réapproprier. Il nous fallut renoncer à tel lauréat du prix Nobel qui leur revint à eux, et baptiser notre aéroport du nom de notre savant fou, banni de notre patrimoine commun. Pendant ce temps-là, nous nous répétions que tout finirait tôt ou tard par rentrer dans l'ordre.
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... ce n'est pas en vous dépéchant d'arriver que vous ferez un bon voyage.
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Mon grand-père caressant le chien, s'écriait d'une voix de marionnette d'émissions pour enfants :
"Tu es un chien toi. Tu es un chien toi. Tu sais où tu es. Tu es un chien toi." La langue du chien lui sortait alors de la bouche et il se mettait à geindre. Au bout de quelques heures je lui dis : "mince alors grand-père, j'ai pigé que c'était un chien."

Bien sûr je ne me doutais pas que, à peine quelques années plus tard, je rappellerais à tous les chiens croisés dans la rue qu'ils étaient des chiens, avant de leur demander s'ils savaient où ils étaient.
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Mais à présent que le pays vivait sa dernière heure, il semblait évident à mon grand-père - autant qu'à moi d'ailleurs - que le cessez-le-feu nous avait donné l'illusion du retour à la normale mais pas la paix. Quand un combat vise un objectif précis - se libérer d'un jougs, défendre un innocent -, on peut espérer le mener à terme. quand le combat consiste à démêler son identité -son nom, ses racines, son attachement à tel monument ou à tel événement -, il n'aboutit qu'à la haine et à la longue et lente avancée de ceux qui s'en nourrissent et qui en ont été gavés, délibérément, par leurs prédécesseurs. Dans ce cas-là, le combat n'en finit jamais, il se poursuit par déferlantes, et parvient encore à surprendre ceux qui espéraient avoir terminé de lutter.
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