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Critique de Renod


La ville de Blizzard dans le Kentucky est une ancienne cité minière. Ce territoire rural est peuplé de rednecks disséminés dans la campagne. La plupart sont démunis et logent dans des mobil-homes ou des maisons décaties. Tout le monde se connaît dans ces collines ; donnez votre patronyme et votre interlocuteur vous parlera des exploits de votre père ou de votre grand-oncle. Mais cette communauté a des règles qui sont proches de celles d'un village corse ou sicilien : l'omertà et la vendetta. Boyd, le frère de Virgil, a été assassiné. Si les raisons de ce meurtre restent floues, tout le monde – excepté les institutions judiciaires - en connaît l'auteur : Billy Rodale. Et toute la communauté attend de Virgil qu'il venge son frère. Mais le jeune-homme a une existence tout tracée : il doit devenir dans peu de temps chef d'équipe d'un service de collecte des déchets et il doit épouser Abigail. Et comme le lui a soufflé un vieil homme reclus dans les bois : « le problème avec le fait de tuer, (…) c'est que t'as peur d'être tué à ton tour. Souviens-toi juste, quelqu'un va te pister. » L'été s'achève et Virgil se prépare activement à venger son frère. le voilà contraint de bouleverser son destin. Mais il apprendra qu'une malédiction ne s'arrête pas aux frontières d'un Etat.

La nature et les saisons façonnent les principales parties du récit. le Kentucky en été étouffe de chaleur, tout est plus lourd à l'image du poids de l'honneur qui pèse sur les épaules de Virgil. Il y a ensuite la vigueur de l'hiver au Montana où les gens passent la moitié de leur existence à se battre contre les éléments. Ils se cloîtrent dans leur maison et si certains s'en sortent dépressifs ou alcooliques, pour Virgil, l'isolement sera l'opportunité d'une mue. L'été, dans ce même Etat, les vastes forêts s'embrassent dans de gigantesques incendies qui se rapprochent chaque jour symbolisant un danger de plus en plus pressant. Le texte est parsemé de phrases sur les arbres, le gibier. Les personnages sont plus à l'aise dans une forêt qu'en ville et ont appris à vivre à l'écoute de leur environnement.

« le bon frère », c'est l'histoire de Virgil, un jeune-homme honnête et travailleur qui est écrasé par la personnalité charismatique de son défunt frère et par la dette qu'il doit honorer aux yeux de tous. Il est chez lui, au sein de sa communauté, mais il va être contraint de choisir sa vie. La liberté a un prix, il doit quitter sa famille et sa terre. Mais peut-on vraiment fuir son passé et changer d'identité ? L'opossum empaillé offert par le vieux Morgan et que Virgil tentera en vain d'enterrer symbolise ce passé qui finit malgré tout par resurgir.

Chris Offutt dresse aussi un état des lieux des Etats-Unis. Il évoque les «white trash » habitant les zones rurales. Dans ces villages isolés, il n'y a ni emploi, ni commerce, seul le bureau de Poste vivote encore pour quelques années. Virgil est adulte mais il n'est jamais entré dans un centre commercial et n'a encore jamais croisé d'Afro-américain. L'agent administratif qui le reçoit, devinant ses origines, lui parle comme à un enfant. L'auteur évoque aussi un autre type de communauté qui revendique une liberté totale et qui partage l'amour des principes fondamentaux de l'Amérique la religion et les armes à feux. L'ennemi commun, c'est l'Etat fédéral qui saisit les maisons et les armes et restreint les libertés. « le bon frère » a été publié en 1997, quelques années après le siège de Waco au cours duquel le gouvernement américain fera donner un assaut meurtrier contre une communauté religieuse extrémiste.

Un personnage en crise, une nature magnifiée placée au coeur du roman, le portrait d'une Amérique trouble, pas de doute, « le bon frère » a tous les atouts pour intégrer l'écurie Gallmeister. Cette nouvelle édition dans la collection Totem est une belle opportunité pour (re)découvrir un auteur qui peut être comparé à d'autre grands tels que Larry Brown ou Ron Rash.

Je remercie Babelio et les éditions Gallmeister pour l'envoi de ce roman dans le cadre d'une Masse Critique.
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