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Critique de berni_29


Je vais tâcher ce soir de trouver la bonne formule pour vous dire tout le bien que je pense de ce roman et des mathématiques.
Soit un ensemble composé de trois éléments : a, b et c, figurant trois personnages jetés dans l'espace-temps d'une même histoire. Deux personnages a et b sont une aide-ménagère et son fils de dix ans passionné de base-ball, tous deux situés sur un même segment de droite, un segment de vie. Sur un autre segment éloigné, figure un troisième personnage que nous appellerons c, un mathématicien sexagénaire qui lui aussi possède sa propre histoire. Un accident de voiture a réduit l'autonomie de sa mémoire à quatre-vingts minutes. Et voilà que les deux segments se croisent un jour ! En mathématiques, on appelle cela une intersection. Dans les romans d'amour, on appelle cela un coup de foudre. Ici, ce n'est pas un roman d'amour, cependant ces deux lignes de vie qui se croisent subitement, vont former un triangle abc et construire ainsi une nouvelle histoire, bougeant les trajectoires initiales.
Vous me direz que je manque de romantisme en décrivant les choses ainsi. Mais la vie romantique a souvent emprunté des métaphores aux mathématiques. Ne parle-t-on pas de de triangle amoureux ? N'avez-vous jamais eu envie de prendre la tangente ? Et que dire de cette belle inconnue perdue dans une équation presque insoluble ? Et dans ce « presque », il y a sans doute des problèmes, des ellipses, des variables, des probabilités, des relations, des combinaisons, des constantes, des conjectures, des propositions, l'absurde comme démonstration, les limites, l'infini...
Le vieux mathématicien est ce que l'on appelle une personne dépendante, du fait que sa mémoire ainsi restreinte dans un espace de quatre-vingts minutes, limite considérablement son autonomie et nécessite les services d'une aide-ménagère. Jusque là tout va bien, sauf qu'à chaque matin, la jeune aide-ménagère doit de nouveau se présenter. C'est comme une histoire qui recommence à chaque fois, à chaque lendemain, c'est comme une récurrence... L'homme, visiblement surdoué, est enfermé dans ses raisonnements, ses travaux qui se poursuivent pour tenter de résoudre certaines énigmes, sa passion des nombres premiers... Oui, les nombres premiers peuvent susciter des regards vertigineux selon la manière dont on les approche.
L'aide-ménagère outrepasse un jour la mission qui lui est confiée en faisant venir son fils dans la maison du vieux mathématicien, par nécessité. Ce jour-là elle n'a pas trop le choix, l'enfant est malade et le vieux mathématicien, malgré son enfermement presque obsessionnel à résoudre des problèmes presque insolubles, insiste pour que cette venue se fasse, tout simplement parce qu'il a le coeur sur la main. En tous cas, il aide à résoudre à cette aide-ménagère un problème pratique qui lui paraissait presque insoluble ce jour-là...
Commence alors entre eux une étrange et belle relation où brusquement deux et deux ne font plus quatre... C'est le hasard, le choc des contraires... La magie des chiffres inversés...
Ce roman de Yôko Ogawa, - La formule préférée du professeur, m'a entraîné dans une magnifique histoire de tendresse, de transmission et de filiation.
J'ai été touché par la solitude de ce vieux mathématicien qui ne peut plus compter sur lui-même, son corps usé, son coeur seul, son coeur solitaire. Son univers bousculé, fracassé, est traversé brusquement par la tendresse d'un enfant passionné de base-ball.
Yôko Ogawa nous invite ici dans la beauté des mathématiques, mais oui je vous assure qu'elle existe cette beauté, même si a priori on peut s'en étonner.
Le charme caché des nombres. L'oasis des nombres premiers apparaît au détour d'un chemin.
Leur élégance.
Leur beauté absolue.
Les mathématiques sont comme une musique.
Ici Yôko Ogawa nous invite dans la fantaisie voluptueuse des chiffres et des règles. Et même si vous n'aimez pas les mathématiques, et même si vous en êtes allergiques, je vous assure que ce récit vous touchera.
Moi-même, j'ai été touché par ce professeur qui s'émeut, pleure en découvrant un chemin nouveau, improbable, dans la somme des nombres nomades qui s'invitent et se promènent dans cette histoire.
Un enfant forcément s'invite aussi dans ce dédale des nombres prévisibles et imprévisibles.
Alors, cette formule préférée, que serait-elle ?
Malgré la mémoire du professeur qui défaille, n'est-elle pas un itinéraire pour l'aider à franchir ce mur de quatre-vingts minutes, venir à un enfant, l'écouter, savoir écouter, savoir protéger, savoir transmettre... ?
N'est-elle pas un itinéraire pour venir nous toucher au coeur ?
J'ai été touché par cette histoire qui traverse avec beauté et sensibilité trois générations, se révèle comme un hymne merveilleux à la tolérance, l'écoute, le partage, la transmission.
Je ne sais pas si vous aimerez les mathématiques après avoir lu mon billet, cependant je compte sur vous...
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