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Critique de Fleitour


En lisant le récit d'Hatoko, je retrouve l'ambiance de mes séances de calligraphie. Je retrouve le soin que nous avons à fabriquer notre encre avec ce bâton noir, que l'on frotte sur la pierre.

La calligraphie c'est aussi le papier, sa couleur, sa texture, et sa façon de boire l'encre du pinceau. On ne refait pas le geste, il doit être parfait du premier coup. C'est toute la magie de cette école de patience qu' Ito Agawa a réussi à traduire avec tant de finesse.
La papeterie Tsubaki, est un lieu magique, car il est capable de transmettre, par ses lettres une multitude de pensées, de témoignages et surtout de belles et nobles nouvelles


Écrire à l'encre, dessiner les idéogrammes procède d'une gestuelle fascinante. Poser le pinceau, faire une boucle puis descendre monter en appuyant mais pas trop de façon à garder une ligne bien nette, puis remonter avant d'effectuer une dernière pirouette.
Doucement, doucement me dictait mon professeur, car pour cette gestuelle un peu comme pour la danseuse sur ses pointes, le geste doit être fluide, et montrer beaucoup d'élégance dans sa finition, le pinceau à la verticale.


Certains disent c'est le pinceau, d'autres c'est l'encre, d'autres c'est le geste ou la position de la main et du bras, c'est le souffle enfin pour que le geste ne s'arrête pas. La calligraphie est une école de patience, une discipline exigeante, mais sa finalité est si magique qu'on oublie les heures passées à se perfectionner.


Les merveilleuses traditions japonaises se retrouvent dans ce texte de Ito Agawa, à commencer par le respect du à chaque visiteur. Pour sa grand-mère, l'Ainée, la beauté de l'écriture devait se placer au-dessus de tout, elle y est restée attachée jusqu'à son dernier souffle. Elle disait, "si tu utilises une belle plume mais que personne n'arrive à te lire, cela n'a rien d'élégant c'est juste impoli martelait-elle."


C'est cette politesse et cette élégance que l'on retrouve tout au long des 380 pages de ce roman qui se lit comme une fable, comme un conte d'une époque révolue et pourtant, Hatoko n'a que 25 ans.


Autour de la jeune femme, la papeterie s'ouvre peu à peu à toutes les personnes qui viennent demander de l'aide, comme pour sortir d'un mauvais pas ou d'un funeste pressentiment.
Comme s'ils avaient une dette, ils veulent verser une offrande, demander à la toute jeune Hatoko de leur permettre par une lettre écrite dans la pure tradition des lettrés, d'offrir à une veuve, à une fiancée éconduite, à un ami un cadeau d'une valeur inestimable car unique.


La calligraphie porte en elle le charme de la personne qui a tracé toutes les lignes et les courbes, son âge, et le charme de sa vieillesse ou le charme de sa beauté, comme le charme de sa vivacité.


Enfin quand on lit le texte en français nous sommes littéralement pris par la puissance évocatrice que Hatoko est capable de porter pour le compte de ses clients.
Quand elle retrouve une lettre calligraphiée de sa grand-mère, et adressée à elle, « à ma petite toko », elle ne peut repousser l'émotion que l'Ainée a fait naître en elle, par des mots aussi simples "que vivre n'est pas une mince affaire."


La petite Toko comme bien des enfants a eu sa période de révolte. C'est peut-être l'un des moments les plus émouvants de ce récit.


Lire, écrire pour le compte d'un tiers, rédiger un mot de condoléances pour le décès d'un singe, ou pour une carte de voeux est un métier bien compliqué, pour lequel toute la politesse et tout le respect qui se dégage de la calligraphie sont capables de sublimer en bonheur.


La générosité du don s'exprime par la lettre, où chaque élément le papier, le pinceau, l'enveloppe, les dégradés, la texture, la couleur de l'enveloppe puis le timbre, adressée à une unique personne ; ce quelqu'un recevant un présent d'une telle finesse, lui, exprimera sa gratitude.



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