文房具店 椿
Après les librairies, le commerce dont je raffole le plus, sont les papeteries.
Donc mon attirance pour ce livre était déjà dans le titre .
Hatoko, jeune femme d'une vingtaine d'année, hérite de sa grand-mère, d'une simple papeterie de quartier, à Kamakura, dont la véritable activité a toujours été la calligraphie. Mais à la différence d'autrefois, le travail consiste aujourd'hui, principalement à écrire un nom sur une enveloppe d'offrande, l'épigraphe d'une stèle ou le patronyme d'un nouveau-né, quand ce n'est pas une enseigne, la devise d'une entreprise ou une dédicace,.....toujours dans les règles de l'art. Élevée seule par la grand-mère, et initiée très jeune à cet art, elle va s'atteler à la tâche d'écrivain public.
Une tâche magique celle de l'écriture japonaise,
À l'écriture verticale ou horizontale,
Aux différents systèmes d'écriture, les kanji ( des caractères chinois, dont la juxtaposition forme le mot, environ 50000), alors que l'hiragana ( 50 caractères ), et le katakana ( 50 caractères, servant à écrire les mots d'origine étrangère) sont des sortes d'alphabets phonétiques . Ces différentes écritures pour un même mot, peuvent avoir des significations différentes, comme souvent rencontrées dans les livres de Aki Shimazaki.
Une tâche subtile celle de Hatoko, sollicitée pour tout ce qui est difficile à dire en face,
Un raffinement extrême dans les détails, comme le choix des outils d'écriture, de la couleur de l'encre, du papier, de l'enveloppe, du timbre...(« Si l'enveloppe est un visage, le timbre est le rouge à lèvres qui donne le ton. En se trompant de rouge à lèvres, on fiche en l'air le reste du maquillage. »),
Des us et coutumes délicates, “A la papeterie Tsubaki, la coutume est de servir une tasse de thé ou une boisson aux clients venus s'adresser à l'écrivain public”,
Des missives qui font sourire, une vieille femme qui désire une lettre de condoléance pour ses voisins, pour la mort de leur singe, une fillette, un billet doux pour son instit, un mari cocu, un faire part de divorce des plus courtois, un fils, une lettre écrite du paradis pour sa mère......
La jeune écrivaine publique du quartier participe au bonheur des gens, et ils lui en sont reconnaissants. Je vous laisse en sa compagnie, à Kamakura, dans sa petite papeterie à la découverte de cet univers fascinant, où le pouvoir est à l'écriture et aux mots. Elle vous fera aussi des confessions, vous fera visiter sa ville, ses temples, ses sanctuaires, connaître ses super copines Madame Barbara et QP, le rite sacré de l'adieu aux lettres, et beaucoup d'autres choses vraiment passionnantes et gare aux pâtisseries 😄.....vous ne le regretterez pas, croyez-moi 😊 !
Un coup de coeur !
Ce récit tout en délicatesse est magnifique, surtout quand on pense, qu'il se passe aujourd'hui, à l'ère Internet.
« Un écrivain public, c'était comme une pâtisserie de quartier,.... »
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Je ne sais pas pourquoi, mais les auteurs (du moins pour le peu que j'ai pu lire) Japonais ont la faculté de créer une atmosphère qui n'appartient qu'a eux.
Je suis à chaque fois bluffée, car je me rends compte que je lis un livre qui détend, qui a une atmosphère très zen et qui en même temps traite de sujet très sérieux , voir difficile. Je ne suis même pas sûre de pouvoir décrire cette sensation de lecture que j'ai à chaque fois que j'ouvre ce type de roman.
L'auteure m'a transportée dans son monde , son monde qui frôle le mien, d'une certaine façon. Une histoire qui a emporté Hatoko dans son passé.. et qui m'a , moi, renvoyée dans le mien auprès de ma grand mère.
Mais c'est surtout un roman qui, si il parle du souvenir, de la perception que nous avons des autres, des non dits, c'est aussi une ode a l'écriture à la calligraphie . Ce roman m'a donné envie de reprendre la plume et de rendre , certains de mes courriers plus personnel. Mais également de faire plus attention au papier dont je me sers.
Et puis c'est sans oublier la tradition, et les moeurs que les anciens nous apprennent, que l'on trouve parfois pénibles et contraignants… mais qui au fond quelques années plus tard nous fond nous replonger dans nos souvenirs et apprendre a notre tour au plus jeune.
Un roman a mettre entre toute les main, plein de douceur et d'amour.
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Quelle lecture étonnante et détonante... !! Un rythme lent...qui offre un art de vivre sa vie, et ce travail si particulier d'écrivain public qu'exerce notre narratrice, Hatoko...
Après la lecture captivante mais compacte des deux romans densément documentés de Paul Greveillac "Maîtres et esclaves" et "Les âmes rouges", j'avais une envie immédiate d'une lecture plus légère...et cette" Papeterie Tsubaki" s'est imposée joyeusement à moi, au vu de mon intérêt pour l'écriture, la correspondance, les plumes, les papiers et leur texture et ma pratique modeste ces dernières années d'"Ecrivain public"... auprès
de personnes en difficulté...en demandes diverses !
Fonction incroyable qui fait rentrer dans la vie des personnes, leurs émotions, leurs attachements, leurs soucis administratifs et autres... Voilà, je fais connaissance, avec grand plaisir, avec Hatoko, la narratrice , âgée de 25 ans, qui vient d'hériter , à la mort de sa grand-mère, de la papeterie familiale, qui offrait en sus , les services d'écrivain public, qu'exerçait la grand-mère avec beaucoup de conscience et de professionnalisme...
Une foule de détails sur le matériel, l'encre, les différentes textures de papier, les tampons, la calligraphie, la graphie simple, les traditions et les usages très spécifiques selon les circonstances des lettres à rédiger ,liées à telle ou telle circonstance de la vie: deuils, amours, cartes de voeux, .... et d'autres demandes nettement plus insolites ...
"Mais écrire d'une belle main n'est pas le seul travail de l'écrivain public.
Quand on libelle une enveloppe pour un mariage, qu'on écrit un nom sur un diplôme ou qu'on rédige un curriculum vitae, une beauté de pure forme est requise. La plupart des gens trouvent belle une graphie qu'on croirait imprimée. Mais l'écriture manuscrite, celle de la main d'un être vivant, possède un supplément d'âme qui ne se résume pas à la simple beauté formelle."
Un roman enchanteur à souhait, en décalé total avec nos quotidiens envahis par nos écrans d'ordinateur ou de smartphones !!
"Une belle écriture ne tient pas à une graphie régulière, mais à la chaleur, la lumière, la quiétude ou la sérénité qui en émanent. J'aimais ces écritures-là." (p. 168)
"Malgré le nombre de commandes qu'elle avait honorées en tant qu'écrivain public, l'Aînée ne s'était jamais perdue de vue. Jusqu'à sa mort, elle avait été elle-même. Et maintenant que son corps avait disparu, elle continuait à vivre dans les calligraphies qu'elle avait laissées. Son âme les habitait. C'était ça, l'essence de l'écriture." (p. 191)
Une lenteur de récit, voulue, accentuée pour mettre en relief la nature, l'instant présent, la saveur des rencontres, des choses, des boissons, gourmandises que notre papetière-écrivain public offre à chaque client qui entre dans sa boutique... Au fil des demandes, Hatako.. se perfectionnera dans sa pratique de calligraphe et d'écrivain public, elle apprendra aussi beaucoup sur elle et sur sa relation à sa grand-mère , plus tendre qu'elle ne le percevait... de son vivant.
Un souvenir personnel en parenthèse rapide: j'ai une vraie passion pour la correspondance manuscrite , "à l'ancienne", que je poursuis depuis de très nombreuses années, parallèlement à ma pratique quotidienne devant l'écran de l'ordi... J'ai commencé à trouver "sacrée" l'écriture et la correspondance, lorsque pendant mes années d'université, je me suis mise à écrire abondamment à ma grand-mère maternelle que j'adorais, ...lui faisant des collages, choisissant des cartes postales...pour lui faire partager mon quotidien dans la capitale, mon environnement et ainsi briser le grand isolement où elle se trouvait en Bretagne !! Devenue aveugle, les derniers temps, elle faisait relire et relire la correspondance que je lui avais envoyée au fil des années, à la charmante dame qui venait prendre soin d'elle... le réconfort des mots et des Lettres...De son côté, moins à l'aise pour écrire, elle m'envoyait des missives adorables, avec des pétales de fleurs , intercalés...Un joli souvenir , qui m'émeut toujours en l'évoquant...
Si vous lisez ce roman qui est un vrai petit bijou... vous ne regarderez plus jamais comme avant une lettre manuscrite , même "banale" ou même juste une carte postale, animée de la main humaine !!
Il y aurait mille choses à dire de ce roman incroyable... mais je crois en avoir déjà trop dit...
Juste un détail non négligeable: le plaisir des yeux...pour les pages de calligraphie japonaise, reproduites au fil du récit...Ce roman faussement simple, demande en réalité une très grande attention pour apprécier l'ouvrage dans toute sa diversité , sans omettre l'abondance d'informations sur les traditions , codes, rituels et coutumes japonais...Nature, Poésie, Spiritualité, écoute et attention unique aux autres, religion, culte des morts, Politesse et savoir-vivre dans une société très policée, saveurs culinaires (qui prennent une place significative, toujours dans ce même plaisir d'accueil et d'ouverture à l'Autre ), etc.
Après ce grand coup de coeur, inutile d'exprimer ma curiosité très éveillée pour découvrir les autres fictions d'Ito Ogawa , très, très vite!!
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******Un interview passionnant d'Ito OGAWA dont je vous communique le lien :
https://www.journaldujapon.com/2018/06/04/ito-ogawa-la-douceur-du-quotidien/
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Une jeune fille de 25 ans revient dans la ville de son enfance pour tenir la papeterie Tsubaki. Sa grand-mère ( "L'ainée" ) est décédée , alors qu'elles ne se voyaient plus. Ce n'est pas seulement un commerce qu'elle lui lègue, c'est aussi un métier, celui d'écrivain public qu'elle exerçait et pour lequel , elle l'a formée , à la dure…
Peu à peu , elle se fera une clientèle, et fera des rencontres , de sa charmante voisine, Madame Barbara (une vieille dame dynamique et bonne vivante ), à deux petites filles , Hatoko (dite Poppo), va s'ouvrir aux autres, faire son deuil, et digérer sa culpabilité.
Mais ce n'est pas ce que je retiendrais de ce roman, d'autres écrivains exploitent ces thèmes là avec plus d'intensité .
Ce que je retiendrais c'est le raffinement, la délicatesse, le respect des coutumes, de la transmission, la poésie.
Ogawa Ito raconte merveilleusement le métier d'écrivain public au Japon . Recevoir le client, comprendre sa demande, lui offrir une tasse de thé pour le réconforter, puis une fois qu'il est parti, dans la concentration due à la solitude, choisir le papier adéquat , choisir sa taille, choisir l'instrument (pinceau, stylo plume..), choisir le bon alphabet (il en existe trois...), être inspirée pour le texte, ne pas avoir le droit à l'erreur (car le papier peut être rare et cher… ) , se lancer, être satisfait du résultat, trouver LA bonne enveloppe, trouver le bon timbre, aller poser le tout dans la boite aux lettres…
Tout un rituel d'un extrême raffinement , à l'heure où il est si simple d'envoyer un mail…
Et que fait Poppo quand elle ne travaille pas ? Et bien , qu'elle boive du thé , qu'elle mange ou qu'elle se promène à l'ombre des cerisiers en fleurs, elle nous transporte ailleurs. Car c'est certainement ce qu'on vient chercher dans ces pages, un peu d'exotisme…
Il ne se passe pas grand chose dans ce roman, le rythme est lent presque contemplatif, ouaté, mais il dégage beaucoup d'impressions : le printemps qui arrive, l'encre, la beauté , la gourmandise, un exquis raffinement…
' Impression Soleil Levant"...
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Les cerisiers n'allaient pas tarder à fleurir. Le ciel avait un sourire rose tendre.
-...Au printemps, les cerisiers sont beaux et en été, on peut se baigner. A l'automne, on mange plein de bonnes choses, et l'hiver, le calme règne et les étoiles sont magnifiques. Moi, je suis une gourmande incapable de de choisir. Alors printemps, été, automne et hiver, j'aime toutes les saisons.
-Je vais te confier quelque chose qui va t’aider, Poppo.
-Comment ça ? ai-je demandé.
-C’est la formule secrète du bonheur, que j’ai appliquée toute ma vie, a-t-elle dit en riant.
-Apprenez-la-moi !
-Eh bien, il faut se dire à l’intérieur : « Brille, brille. » Tu fermes les yeux et tu répètes « Brille, brille », c’est tout. Et alors, des étoiles se mettent à briller les unes après les autres dans les ténèbres qui t’habitent, et un beau ciel étoilé se déploie.
-Il suffit de répéter « Brille, brille » ?
-Oui, c’est simple, hein ? Et ça fonctionne n’importe où. Quand tu fais ça, les problèmes, les chagrins, tout s’efface sous un joli ciel plein d’étoiles. Vas-y, essaie. Puisqu’elle m’y invitait, j’ai continué à avancer lentement, appuyée sur son bras, les yeux fermés. Brille brille, brille brille, brille brille, ai-je répété en moi-même. Et en effet, dans le néant de ténèbres qui régnait en moi se sont invitées des étoiles ; à la fin, c’en était même éblouissant.
-C’est magique.
-N’est-ce pas ? Cette formule secrète est très efficace, alors sers-t’en. Je te la donne, a-t-elle murmuré. La tête dans les étoiles, je l’ai remerciée.
Page 97
La carte exprimait, sans rien dissimuler, la tendresse du père de Seitarô pour sa femme. Il était plein de sollicitude pour elle. Il lui avait écrit depuis les nombreux lieux où il séjournait. Parfois, il y avait deux cartes envoyées le même jour.
— Ça fait envie, n’est-ce pas, ai-je commenté avec émotion, les yeux sur la carte. Un soupir m’a échappé.
— C’est évident quand on y pense, mais mon père et ma mère étaient aussi un homme et une femme. Cela ne m’avait jamais frappé dans ma position d’enfant.
— Votre mère attendait les lettres de votre père, ai-je commenté.
Seitarô, les yeux fermés, a profondément hoché la tête. J’ai murmuré d’un ton pénétré :
Et elle en espère encore aujourd’hui, c’est ça ?
— Voilà pourquoi elle veut rentrer chez elle. La voir comme ça m’attriste. Je l’imagine, quand nous étions enfants, aller vérifier la boîte aux lettres en cachette… C’était un amour secret, qu’ils nous cachaient, a-t-il dit d’une traite.
En cours de route, sa voix s’était brisée ; il a discrètement essuyé les larmes qui lui étaient montées aux yeux. Puis il s’est redressé et m’a demandé, bien en face :
— Pourriez-vous écrire une lettre de mon père depuis le paradis ?
C’était à mon tour d’avoir les larmes aux yeux.
"La plupart des gens trouvent belle une graphie qu'on croirait imprimée. Mais l'écriture manuscrite, celle de la main d'un être vivant, possède un supplément d'âme qui ne se résume pas à la simple beauté formelle. Elle prend de l'âge avec son propriétaire, elle vieillit. Le même mot calligraphié par la même personne sera différent selon qu'il a été écrit à l'école ou au lycée, à vingt ans ou à quarante. C'est encore plus vrai à soixante-dix ou quatre-vingts ans. Une adolescente à l'écriture toute ronde, lorsqu'elle sera devenue une vieille dame, n'aura plus la même plume, c'est normal. L'écriture change avec l'âge."
Une belle soirée de partage autour des coups de coeur de nos libraires !
Ci-dessous les romans présentés :
- La nuit des pères, Gaëlle Josse, Notablia
- Les enfants endormis, Anthony Passeron, Globe
- Chien 51, Laurent Gaudé, Actes Sud
- L'odyssée de Sven, Nathaniel Ian Miller, Buchet Chastel
- Qui sait, Pauline Delabroy-Allard, Gallimard
- Biche, Mona Messine, Livres Agités
- La mémoire de l'eau, Miranda Cowley Heller, Les Presses de la Cité
- Chouette, Claire Oshetsky, Phébus
- le goûter du lion, Ogawa Ito, Picquier
- Que reviennent ceux qui sont loin, Pierre Adrian, Gallimard
- La femme du deuxième étage, Jurica Pavicic, Agullo
- Un profond sommeil, Tiffany Quay Tyson, Sonatine
- On était des loups, Sandrine Collette, JC Lattès
- Hors la loi, Anna North, Stock
- Frankenstein et Cléopâtre, Coco Mellors, éditions Anne Carrière
- Les marins ne savent pas nager, Dominique Scali, La Peuplade
- L'été où tout a fondu, Tiffany McDaniel, Gallmeister
- Fantaisies guérillères, Guillaume Lebrun, Christian Bourgois
- Trois soeurs, Laura Poggioli, L'Iconoclaste
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