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Critique de fabienne2909


« Les lectures des otages », voilà un titre bien intrigant s'il en est, notamment en raison de la polysémie du mot lecture : est-ce un récit qui parle de ce que des otages peuvent lire en captivité ? D'analyses ou d'interprétations de celles-ci ? de la restitution de signaux enregistrés sous une forme quelconque ?

Un peu tout cela à la fois. Dans ce roman, un groupe de huit touristes japonais s'est fait kidnapper par un groupe terroriste, dans un pays lointain. Une ONG réussit à introduire un micro enregistreur dans un colis humanitaire, et au bout d'un moment, quand les supports pour écrire viennent à manquer, ils l'utilisent pour raconter un récit les concernant, le plus souvent une anecdote, une tranche de leur vie. Un par soir, chacun à son tour. Un membre de l'équipe de militaires luttant contre le terrorisme écoutera plus tard ces récits, narrés dans une langue qu'il ne comprend pas, ce qui paradoxalement les rendra encore plus denses et significatifs.
« Les lectures des otages » est en effet un roman grave, digne. Les récits ne sont pas anecdotiques, ils donnent à voir un bout de l'âme de leurs conteurs, qui semblent, en revenant sur leur passé, comprendre alors ce qui leur est arrivé, tout en ignorant ce qui sera leur futur, eux qui, en tant que captifs, sont au bord de leur vie, en marge de celle-ci. La mort est un motif récurrent du roman, entre la conteuse de l'épisode du lanceur de javelot qui est en deuil, celle qui rappelle à tout le monde leur grand-mère décédée, la fille qui cuisine un consommé pour sa mère en fin de vie, celui qui assiste à des groupes de paroles dont celui des personnes parlant une langue dont ils ne sont plus que le seul locuteur (on peut y voir un étrange parallèle avec la situation des otages)… On ne peut ignorer que la faucheuse teinte ce roman de son influence ; pourtant, je ne l'ai pas trouvé lugubre, tant la vie semble jaillir de ces histoires, a priori banales, mais pourtant précieuses dans leur singularité. En faisant revenir le passé, les otages effectuent une sorte de célébration de qui ils ont été, ce qui restera pour toujours, quoi qu'il arrivera dans le futur. Une manière de lutter contre leur disparition probable en laissant leur trace.

Comme habituellement dans les romans de Yoko Ogawa, les émotions sont toujours en retenue, internes, mais profondes. Il en résulte une unicité dans les récits, on a souvent l'impression que c'est le même conteur qui parle, mais cela donne une atmosphère grave qui sied bien au roman. Ce n'est pas un livre gai, mais dont je me souviendrai par le ressenti proche du recueillement qu'il a provoqué en moi.
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