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Critique de 7269


Miriam, la soeur aînée de Marjorie, a disparu un jour de mai. La fillette portait son grand imperméable jaune. La police a cherché du côté du lac. Sans rien trouver. Les semaines ont passé, avec de faux espoirs et d'épuisantes interrogations. Alors, les parents de Miriam et Marjorie ont décidé d'envoyer cette dernière chez la tante Ilse, pour l'éloigner de l'atmosphère étouffante. L'enfant ne posa aucune question lorsqu'ils ont quitté la ville en voiture, se sont arrêtés devant une maison au milieu des broussailles, à quelques pas de la mer. Un claquement de portières, un baiser, un tourbillon de corps, puis le silence. Marjorie ne parvenait pas à savoir si elle était triste. Par moments, elle ressentait même un vague soulagement, une jalousie, un agacement vis-à-vis de l'absente qui jouait les intéressantes et la privait de ses bonheurs quotidiens. Mais, surtout, elle savait que rien ne serait comme avant : « Elle se dit que c'était fichu. Ils ne seraient plus jamais drôles. C'était la faute de Miriam. »

La confusion des sentiments est au coeur du roman du Suédois Bengt Ohlsson (né en 1963), qui se place à hauteur d'enfant - qui épouse, de l'enfant, les points de vue changeants, le regard trouble sur le monde et les mensonges. Seule la tante Ilse, par ses gestes doux, sa présence, les histoires qu'elle raconte, permet à la petite fille d'ordonner ses pensées. « Il se savait des choses qu'elle-même ignorait, c'était normal ; elle se sentait alors au chaud et en sécurité, comme dans un train lorsqu'il se met doucement en branle. »

A cette situation romanes­que tendue s'ajoute le poids d'une nature sensuelle et inquiétante. le printemps et l'été ne sont pas des saisons douces pour Bengt Ohlsson. La mer est impétueuse, la pluie tombe brus­quement et l'eau devient vite une menace pour qui s'aventure trop loin sur la plage.

Subtilement, l'écrivain joue avec les codes du roman noir : une disparition mystérieuse, une maison isolée, une enquête policière, des interrogatoires. Mais il refuse d'apporter la solution qui rassure. A l'instar de Marjorie, le lecteur devra accepter les non-dits et les mystères, sans chercher à les expliquer logiquement. La force et l'innovation de ce neuvième roman d'un auteur inconnu en France - mais couvert de prix en Suède - sont dans ce mouvement quasi maritime, ces allers-retours entre la lucidité et le doute, l'indifférence et l'acceptation. Porté par une écriture descriptive sans mièvrerie et une construction pointilliste, Syster est un très beau roman de formation. Il refuse de juger les faits et les pensées, pour laisser affleurer les contradictions humaines, celles qui mènent plus tard à une forme d'apaisement. (Télérama TTT).



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