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Critique de Fransoaz


Un matin de 1992, Aliide, une vieille estonienne, aperçoit dans la cour de sa ferme un étrange ballot. Ce ballot de taille humaine et aux cheveux blonds est le corps sale et boueux d'une jeune fille. Les vêtements, pourtant de bonne facture, sont déchirés et souillés, les yeux sont hagards et les propos incohérents. Malgré les questions qui se bousculent dans la tête d'Aliide sur la présence chez elle de cette fille ( voleuse, espionne ou simple mendiante?), elle va l'accueillir dans sa cuisine et la réconforter.
Par d'incessants retours dans le passé des personnages, toujours en lien avec l'histoire tourmentée de l' Estonie, l'auteur va dévoiler peu à peu le lien qui unit ces deux personnes: Zara la jeune fille misérable et paumée et Aliide la vieille dame esseulée et méfiante.
En filigrane de ce roman: la peur ; elle s'infiltre et s'invite dans cette campagne reculée et archaïque . Elle est omniprésente et s'accroche à la peau des deux femmes tout comme les grosses mouches à viande que chasse en vain Aliide. L'imposture et la honte qui ont régit toute la vie d'adulte d'Aliide sont le pendant de cette peur installée aujourd'hui dans sa vie. de la même manière qu'elle a poussé de lourdes armoires pour masquer son secret, elle va édifier une façade de mensonges pour s'abriter, donner le change et sauver ceux qu'elle aime. La peur que ressent Zara est tout aussi légitime et liée à sa triste expérience en Allemagne.
"Mais la terreur de la fille était tellement vive qu'Aliide la ressentit soudain en elle-même. Bon sang , comment son corps se souvenait-il de cette sensation, et s'en souvenait si bien qu'il était prêt à la partager dès qu'il l'apercevait dans les yeux d'une inconnue.(…) mais maintenant qu'il y avait dans sa cuisine une fille qui dégoulinait de peur par tous les pores sur la toile cirée, elle était incapable de la chasser de la main comme elle aurait dû le faire, elle la laissait s'insinuer entre le papier peint et la vieille colle, dans les fentes laissées par des photos cachées puis retirées. La peur s'installait là en faisant comme chez soi"
Voilà un livre qui a une vraie carrure, il est bien charpenté et tient la route. Il nous oblige à faire un saut dans ce petit pays balte et à mieux comprendre le poids du passé lié aux différentes occupations. La carte du début de livre, la frise historique à la fin sont des éclairages pour la lecture . Et même s'il nous manque encore sans doute quelques clés pour appréhender complètement la réalité historique de ce pays nous sortons de cette lecture plus instruits, plus proches de cette population martyrisée.
La façon dont Sofi Oksanen a tissé son oeuvre entretient l'intrigue, à son plus haut niveau, d'un bout à l'autre du récit. La traduction talentueuse, la densité des personnages et la dimension historique contribuent à faire de Purge un très grand roman.

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