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Critique de Sarindar


Zoé Oldenbourg a écrit ce livre comme une véritable historienne, et ne s'est pas intéressée à la totalité des Croisades, ce mouvement qui jeta sur les routes qui menaient en Terre Sainte, rois, princes, chevaliers et pèlerins occidentaux entre le XIème siècle et la fin du XIIIème siècle, mais a concentré son analyse sur les trois premières.
Dès le début, c'est la question centrale des rapports établis entre les Croisés et leurs partenaires byzantins, arméniens et chrétiens d'Orient, mais aussi avec leurs adversaires musulmans, qui est posée.
La Croisade purement militaire a eu évidemment, dès le départ, plus de succès que les expéditions encombrées de civils plus ou moins capables de se défendre lorsqu'il fallut affronter les troupes porteuses de la bannière au Croissant, et en particulier les Seldjoukides. le choc frontal de la cavalerie lourde des francs avec les guerriers du sultanat de Roum, à Dorylée, le 1er juillet 1097, tourna à l'avantage des chevaliers occidentaux et permit à ces derniers, malgré des conditions difficiles, de se diriger vers Antioche. Il fallut un long siège, d'octobre 1097 à juin 1098, pour s'emparer de cette ville, avant de descendre vers la Cité sainte deJérusalem, qui fut prise, quant à elle en juillet 1099. Aux images pieuses des génuflexions de guerriers chrétiens la découvrant de loin au mois de juin 1099 et aux images héroïques de l'assaut victorieux du 15juillet 1099 s'opposent bien évidemment l'image violente et sanguinaire du massacre de la population musulmane par les vainqueurs après leur entrée dans la place.

Zoé Oldenbourg montre les efforts entrepris par les guerriers chrétiens pour s'emparer des places côtières de Palestine et coloniser l'intérieur des terres dans le royaume de Jérusalem, et les trois autres États : Édesse, Antioche et Tripoli, puis pour conserver ces acquis - ce qui n'allait pas de soi. La construction et l'occupation des forteresses furent essentielles dans la poursuite de cette entreprise, soumise à bien des aléas. Car le rapport des forces en présence aurait pu permettre aux Musulmans de reprendre rapidement le dessus s'ils n'avaient été divisés entre eux, et si de nouvelles expéditions n'avaient été montées, depuis l'Europe, quand de nouveaux appels à l'aide parvenaient des nouveaux et fragiles États latins du Levant.

C'est la perte de la ville et du comté d'Édesse, conquis par Baudouin de Boulogne, frère de Godefroy de Bouillon, en 1098, et tombés entre les mains de Zengi, atabeg de Mossoul et d'Alep, en décembre 1144, qui vont déclencher la Deuxième croisade, souhaitée par le pape Eugène III en 1145 et prêchée par Bernard de Clairvaux . Vaine entreprise qui se solda par un échec complet, en 1149, malgré les gros moyens mobilisés en vue de reprendre le terrain perdu par les Francs (nom donné aux occupants chrétiens occidentaux installés au Moyen-Orient).
Le phénomène de croisade montrait ses limites, d'autant que des erreurs lourdes de conséquences allaient être commises. L'attaque du roi de France, Louis VII, contre Damas, qui n'était pas alors une ville ennemie, en fut une et pas des moindres. le règne des Baudouin à Jérusalem (du premier au quatrième du nom), n'empêcha pas la constitution d'un front islamique sunnite d'abord derrière Nur ad-Din, puis derrière Saladin, grand unificateur de cités-États (Le Caire, Damas, Alep) qui prirent en étau les États francs et menèrent ceux-ci à la terrible défaite de Hattin (3 et 4 juillet 1187) et la reddition de Jérusalem, le 2 octobre 1187, sans pillage ni effusion de sang, en singulier contraste avec ce qui s'était produit en 1099.
La Troisième Croisade pourra alors être lancée, sous la direction de Frédéric Barberousse, empereur germanique, qui mourut en chemin, puis sous celle de Philippe Auguste, roi de France, et de Richard Coeur de Lion, roi d'Angleterre, qui permettra à ces derniers d'assiéger et de reprendre en juillet 1191 Saint-Jean-d'Acre, malgré un encerclement par une armée de secours. Richard essaiera de marcher sur Jérusalem, remportera même un beau succès sur Saladin, à Arsuf , le 7 septembre 1191, victoire sans lendemain, qui ne lui permettra pas de reconquérir la Ville Sainte. Sa geste héroïque sera cependant entachée par un massacre de Musulmans faits prisonniers à Acre qui laissera longtemps des traces.

Zoé Oldenbourg met l'accent sur les temps forts de ces trois premières Croisades, montrant que les principales expéditions et d'autres moins importantes ne donnèrent pas les résultats escomptés et, venant parfois se heurter aux intérêts primordiaux des Francs et de leurs alliés chrétiens ou musulmans, fragilisèrent un peu plus l'édifice des États latins du Moyen-Orient au lieu de le renforcer, de même que les relations compliquées entre Byzance, qui espérait reprendre des territoires contrôlés autrefois par son Empire, et les Croisés ajoutèrent aux difficultés rencontrées sur place par les Francs.

L'ouvrage de Zoé Oldenbourg mériterait bien encore d'être cité dans les travaux sur les Croisades, même s'il l'est peu, dans la réalité.

François Sarindar
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