Dans l'océan du silence on ressent l'invisible présence des mystères essentiels - l'imminente pourriture, l'évanescence des airs de bien-être, et surtout le sentiment que tout cela nous dépasse
«La mort de tous les êtres
a beau à vive allure dévaler le courant
la rivière du temps jusqu'à son terme ultime
est faite d'un flot de mots qui dépasse l'homme»
Rien de pesant là-dedans, beaucoup d'élégance et de finesse au contraire. Makoto Ôoka sait aussi bien nous faire percevoir «l'écho radieux du chaos» que l'émerveillement devant la si troublante «couleur de la vie». À la poésie des profondeurs se mêlent les sourires suscités par des choses familières:
«Un chaton
Perché sur une soucoupe
Quelle débauche de poils
chez tous ceux qui vivent nus!»
Légèreté et profondeur, tout se mêle, de même que dans cet univers poétique tout semble relié:
«Toutes ces heures qui vivent et meurent la vie brève que vivent les fleurs
Ont-elles un lien avec nous?
La femme dans un rire a serré contre elle un poisson scintillant
Bras qui s'embrasent d'un éclaboussement de gouttelettes
Bientôt le ciel viendra s'emplir
à ses cuisses
L'ombre des fleurs au-dedans nous imprègne
Entre les arbres déjà des mots nagent en secret»
Il y a une densité et une profondeur dans l'écriture de Makoto Ôoka, une grâce aussi, quelque chose de vibrant qui a une force, un charme fous, qui me rappelle la phrase de
Bachelard: «le poème réanime en nous des profondeurs». Réanimation renforcée par les dessins de
Claude Garanjoud.