AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Krout


Krout
01 février 2018
Non, non, non je ne suis pas soudain devenu nécrophile et à vouloir profiter d'une manière ou d'une autre de l'ombre crépusculaire d'un quelconque illustre ; car à ce jeu là, il faut bien dire que tout fait farine au moulin et que l'on se bouscule, plus encore que dans le métro ou à l'ouverture des soldes -70% sur une pâte à tartiner aux noisettes, pour être le premier à la chasse de la meilleure place dans la lumière. Attitude hautement paradoxale^^ mais de plus en plus prisée - au point de s'interroger si ce n'est pas dans le cours de l'histoire - par une foule déchaînée. Or j'ai pour habitude de m'en tenir loin et qui plus est de laisser les morts enterrer les morts.


Déjà que je passe trop de temps dans les livres et pas assez parmi les vivants. Pour tout vous dire ce qui m'amène ici est un triple cadeau que je dois à la gentillesse d'amis bourguignons, à la vie qui fut si généreuse avec Jean d'Ormesson, à la vie encore qui l'est aussi avec moi. Sinon j'aurais laissé passer le temps, retomber la poussière à la poussière, pour un peu plus de recul, ou qui sait passer négligemment à côté : donc trois fois merci. Et tchin, tchin !


Paraphrasant Jules César (ou son nègre ;)) je poserai lapidairement cette citation d'une toute autre portée pour résumer l'histoire :
"Je suis venu, j'ai vu, j'ai vécu" (*)
avec cela je n'ai pas l'arrogance d'y entrer mais elle peut-être cogne-t-elle aux portes de la postérité ? Jean d'Ormesson a fait cela, pleinement, d'une vie qui si elle n'aura pas été en tout point admirable aura à tout le moins été d'une immense, joyeuse et tendre admiration pour elle-même, et c'est en soi une formidable leçon. Soit-elle comprise que le monde s'en porterait mieux et le cours de l'histoire pour un temps infléchi.


L'histoire c'est elle que Jean d'Ormesson chevauche et nous fait parcourir au grand galop sautant au grès de sa fantaisie d'un sujet à l'autre, au fil du temps suivant les faits les plus marquants, ou ménageant sa monture pour nous rapporter quelque anecdo(c)te digne de nous instruire et nous distraire. Une dernière coquetterie d'écrivain, j'ai envie de dire facétie, le narrateur, mais laissons-le : "Tantôt homme, tantôt femme, je suis, vous l'avez déjà deviné, je suis l'espèce humaine et son histoire dans le temps. Ma voix n'est pas ma voix, c'est la voix de chacun, la voix des milliers, des millions, des milliards de créatures qui par un miracle sans nom, sont passées par cette vie. Je suis partout. Et je ne peux pas être partout. Je vole d'époque en époque, je procède par sondages, je livre mes souvenirs." p.42


Ce n'est pas un livre facile car l'histoire de l'humanité, et quelle autre pourrait nous intéresser si ce n'est celle de l'univers lui-même, est d'une densité et grouillante comme une forêt vierge dans laquelle se déplace avec une aisance magistrale Jean d'Ormesson. Bien plus jeune que lui, j'éprouve bien des difficultés rien qu'à le suivre. Quelle mémoire prodigieuse, encore dans ses vieux jours ! Moi tous ces noms illustres, toutes ces batailles, toutes ces découvertes, tous ces bâtiments, toutes ces oeuvres d'art, toutes ces comptines, tous ces textes qu'ils soient de lois, de littérature jusqu'aux poèmes, je les oublie, ils n'ont pas l'inflexion des voix chères qui se sont tues.


Alors la balade fut par moments ardue mais aussi éblouissante, peur de me perdre et en même temps excitation de découvrir ou redécouvrir toutes ces espèces de grands arbres entremêlés. Et Jean d'Ormesson de me les décrire toutes et de passer de lianes en lianes. WAOUOUOUHHH ^^ Après un long cheminement, digne du Juif Errant, dans cette jungle touffue qu'est l'histoire humaine, et je pense que cette pensée de Pascal n'est pas pour rien en bonne place dans ce livre : "Toute la suite des hommes, pendant le cours de tant de siècles, doit être considérée comme un même homme qui subsiste toujours et qui apprend continuellement .", nous arrivâmes enfin au lac de la sagesse. Ah, ces quatre derniers chapitres à tenue plus philosophique, cette ironie et cette fausse (ou fausse fausse, allez savoir avec tant de subtilité) autodérision, ce désir de plaire (toujours) et de transmettre (encore)...


(*) Krout, le 31 janvier 2018
Commenter  J’apprécie          5211



Ont apprécié cette critique (38)voir plus




{* *}