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Critique de kathy


Les jours secrètement fiévreux d'une jeune femme fragile. Troublant. Et même, délicieusement dérangeant ce roman d'un jeune auteur allemand.
D'emblée, l'écriture exige le silence, impose une lecture qui serait recueillement. A pas de loup, on pénètre dans un univers où couve le feu, où tremble la raison. Subjugué par les pas hésitants de l'héroïne, Lynn, une toute jeune femme, on avance dans son histoire, tout à la fois spectateur attendri ou voyeur malmené, voleur de ses gestes, de ses pensées, de ses hésitations, de son mutisme, de sa folle obstination à s'inventer une destinée.
Lynn, après des mois passés en isolement et rééducation dans une clinique, s'en revient dans le monde des vivants, de la norme, expérimente une liberté qui lui fait peur – se lever, traverser la ville, rejoindre l'hôtel qui l'emploie, travailler sans un mot, nettoyer sans relâche, faire de la propreté son salut, se donner au labeur comme on se laverait du péché, et retour le soir, dans une solitude complexe, sauvage et rédemptrice.
Sur ses blessures, son passé – une mère tenue à distance de toute tendresse, un père mystérieusement absent –, Markus Orths reste pudique, à peine s'il donne quelques pistes. Comme s'il lui fallait bannir tout imaginaire, se tenir au plus près des tourments de son héroïne, jour après jour, déception après déception, désir après désir, l'écrivain s'en tient à une tranche de vie, tient ce qui pourrait être le journal d'une femme de chambre peu ordinaire – quoique –, et ne réalise qu'une pure fiction, une histoire d'amour mort-née, récit d'un gâchis, d'un écoeurement existentiel.
Les nuits pour Lynn sont « neutres ». Elles ne sont ni menace ni soulagement. Elles l'avalent et la recrachent le matin. Elle se réfugie dans le travail, s'y cache, s'y oublie, marque ses jours de choses anodines pour leur donner existence, consistance, se crée des repères comme pour se raccrocher au monde, jeter les heures vides. Elle chasse la moindre poussière, la moindre souillure réelle ou imaginée, passe au crible chaque chambre de l'hôtel, s'insinue dans chaque vie qui y séjourne. A l'affût des histoires des autres pour s'en inventer une, elle se crée des rites, cumule les gestes obsessionnels, récure, purifie, change la saleté en néant, la propreté en bonté, ose des interdits, se glisse tous les mardis sous le lit de la chambre 304, observe les souffles, devine les comportements des individus de passage, un mardi, une femme discrète, un autre mardi un homme infidèle qui se paye du plaisir avec Chiara, une belle de nuit. Chiara, une fille corps et âme en liberté, la seule qui saura offrir à Lynn quelques caresses...
«Je voudrais qu'une seule fois quelqu'un soit couché sous mon lit, je voudrais qu'un jour seulement quelqu'un écoute ma vie », songe Lynn, submergée d'espérance. Comme Rimbaud qui coloriait les voyelles, Lynn, dans un ultime désir d'être, invente pour chaque jour de la semaine, une couleur : «Dimanche bleu pâle, lundi blanc sale, mardi coquille d'oeuf, mercredi gris brun, jeudi bleu cobalt, vendredi rouge vif, samedi noir velours. » Samedi, le jour de l'amour... Femme de chambre ou le roman fiévreux, sensuel, fulgurant de la rage de vivre.
Critique,Telerama avril 2009
J'ajouterai que la fin de ce court roman m'a laissée pantoise et pleine d'espérance pour Lynn..... Beau message d'espoir.
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