AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Presence


Ce tome fait suite à Son of Mars (épisodes 0 à 9) qu'il vaut mieux avoir lu avant pour comprendre l'historique entre les personnages. Il contient les épisodes 1.000.000, et 10 à 17, initialement parus en 1999/2000, tous écrits par John Ostrander. Tom Mandrake a dessiné et encré les épisodes 1.000.000, et 12 à 17. L'épisode 10 est dessiné par Phil Winslade, et encré par Mike Perkins. L'épisode 11 est dessiné par Bryan Hitch, et encré par Paul Neary.

-
- Épisode 1.000.000 – Cet épisode se déroule concomitamment au crossover One million (écrit par Grant Morrison), dans lequel la Justice League du 853ème siècle rend visite à celle de la toute fin du vingtième siècle. En l'an 85.271, Green Lantern (Kyle Rayner) échoue sur Mars et a une rencontre avec le Martian Manhunter de ce siècle éloigné.

Crossover oblige, John Ostrander doit s'y plier et rentrer dans les cases. Il a la chance que la série Martian Manhunter soit assez éloignée des séries principales, pour pouvoir se rattacher à "1.000.000" comme il l'entend. Il en profite pour raconter l'histoire personnelle de J'onn J'onzz au fil des siècles et même des millénaires, dans une narration mêlant science-fiction et conte de manière harmonieuse. le lecteur se laisse charmer (comme Kyle Rayner) par cette balade (synthétique parce qu'elle doit tenir en 1 épisode), faisant la part belle au space-opéra et aux superpouvoirs.

Ce scénario d'anticipation offre à Tom Mandrake la possibilité de réaliser des illustrations pleine page, dans lesquelles il peut créer à sa guise un panorama grandiose, ou un amalgame d'images dans un tableau composite. L'artiste s'inspire aussi bien de composition d'affiches de cinémas, que d'imageries propres aux superhéros.

Le lecteur retrouve son détourage des formes un peu anguleux, un peu buriné, avec des effets de drapés à la Gene Colan. Cette approche un peu rugueuse permet à Mandrake de conférer toute la froideur voulue à un personnage comme Darkseid, ou à certaines des incarnations de Martian Manhunter. Enfin, il est en phase avec le scénariste, particulièrement dans la première page qui évoque le Mars d'Edgar Rice Burroughs.

-
- Épisode 10 – Cameron Chase enquête sur J'onn J'onzz, suite au meurtre de Karen Smith (l'associé de J'onzz), pour le compte de la DEO (Department of Extranormal Operations, une agence de renseignements, gouvernementale secrète). Dans son ancien bureau, elle trouve carnet où il avait noté toutes ses identités secrètes de par le monde. Chase décide d'aller interroger une de ses collègues au sein de la Justice League. Direction le Brésil, pour rencontre Beatriz Bonilla DaCosta (Fire). Épisode 11 – Retour en l'an 85271 : sur Mars, 3 représentants d'autant de races extraterrestres différentes, se retrouvent coincés dans une dépression du sol, en plein désert. Ils évoquent tour à tour ce que représente pour eux Martian Manhunter.

Crossover oblige, ces 2 épisodes constituent une forme d'interlude en attendant que Tom Mandrake (le dessinateur attitré) revienne et que "1.000.000" se termine. Ils ne sont pas superflus pour autant puisqu'Ostrander s'en sert pour affiner le portrait de J'onn J'onzz. Au travers des dires de Beatriz Bonilla DaCosta et des 3 extraterrestres, le lecteur voit émerger les valeurs qui guident la vie de J'onzz, son détachement, mais aussi sa sensibilité, et sa capacité à respecter les sentiments d'autrui, et ses droits à décider de sa vie par lui-même. Ostrander fait du personnage, un individu adulte et mature qui ne cherche pas à imposer son point de vue à tout prix.

Phil Winslade réalise des dessins très figuratifs, avec un effort pour se rapprocher d'une forme de réalisme (sauf pour ce qui est des mensurations de Beatriz Bonilla DaCosta. le lecteur peut éprouver l'impression de se rendre sur place pour prendre un verre en compagnie de Beatriz et Cameron, à la terrasse ensoleillée d'un café. Bryan Hitch réalise des dessins plus superhéros, avec l'encrage de Neary arrondissant les contours pour les rendre plus agréables. Cela aboutit à un croisement entre Neal Adams et Alan Davis, très agréable, et bien adapté à ces 3 formes de vies extraterrestres. Ostrander et Hitch s'amusent à évoquer un épisode célèbre de Swamp Thing (écrit par Alan Moore) quand il voyageait de manière désincarnée, de planète en planète.

-
- Épisode 12 – Alors qu'il surveille les moniteurs dans la tour de la Justice League, J'onn J'onzz est contacté par Gypsy (Cindy Reynolds) pour mener une enquête sur des revenants à Détroit. Épisodes 13 à 16 – J'onn J'onzz doit prendre la place de Jemm de Saturn (voir tome précédent) pour être le futur époux dans un mariage arrangé, devant assurer la paix entre les martiens bancs et les martiens rouges. Épisode 17 – de retour sur Terre, J'onn J'onzz se heurte au directeur Bones (le directeur du DEO) qui menace de dévoiler toutes ses identités secrètes, s'il refuse de travailler pour le DEO (en commençant par révéler les identités secrètes de tous les superhéros qu'il connaît).

Le lecteur découvre l'histoire principale (de par le nombre d'épisodes) de ce tome. le numéro 12 sert de prologue, donnant l'occasion à J'onn J'onzz de se confronter à la mortalité de ses compagnons. Dans les épisodes suivants, John Ostrander s'amuse beaucoup avec une histoire de mariage arrangé, de permutation d'identité, de complot, avec une louche d'intrigue de palais, et une véritable histoire d'amour contrarié.

Loin d'être indigeste, cette accumulation de genre aboutit à un amalgame harmonieux, pour une belle aventure de type opéra de l'espace, avec manigances, émotions et scènes d'action. le scénariste est très à l'aise et continue de développer le caractère de J'onn J'onzz, le rendant aussi sympathique que distinct, aussi tragique qu'apaisé. le lecteur se laisse porter par cette aventure aussi rocambolesque et divertissante, qu'émouvante et grave.

Le tome se termine avec l'aboutissement des manipulations du directeur Bones à l'encontre de J'onn J'onzz, et une nouvelle discussion entre les 2 extraterrestres que sont Superman et Martian Manhunter. À nouveau, Ostrander complète le portrait de son personnage, par petites touches successives, très bien amenées, grâce à ses multiples identités.

Tom Mandrake réalise des dessins peu plaisants à l'oeil. le détourage des formes semble parfois grossiers, imprécis, avec des angles où il ne devrait pas y en avoir. Les aplats de noir présentent des formes qui ne correspondent ni à une source lumineuse, ni à une volonté d'abstraction. Certaines silhouettes ne semblent pas finies, comme si le dessinateur n'avait pas été capable de représenter la partie qui reste à l'état d'esquisse. Certains visages sont franchement laids. Et pourtant...

Pourtant les dessins donnent corps au scénario de manière vivante et convaincante. Il ne s'agit pas d'être crédible, puisque ces histoires mettent en scène un monsieur à la peau verte, habillé d'un slip bleu, d'une cape bleue, de bottes, et d'une croix rouge sur le torse. Il s'agit de trouver le souffle narratif pour que cet opéra de l'espace prenne son envol. En fonction des scènes, Tom Madrake sait dessiner des créatures qui font vraiment peur, des individus qui se tapissent dans l'ombre, des personnages happés par les ténèbres qui hantent leur esprit, une fusion entre homme et machine, une flotte galactique, des explosions, des brumes mouvantes, etc.

Si les personnages ne sont pas beaux, ils vivent devant les yeux du lecteur, avec un jeu d'acteur un tout petit peu théâtral, des expressions parlantes, des élans passionnés, et des mouvements fluides. La part d'ombre qui mange les personnages ou les endroits laisse une part à l'imagination du lecteur, et évite de mettre en lumière les éléments les plus improbables (comment se raccordent les 2 bras surnuméraires au torse du Martian Manhunter). Loin de donner une impression d'incompétence, les éléments en apparence esquissés participent au mouvement, à l'évolution. Mandrake se révèle un bon metteur en scène capable d'insuffler du rythme à une scène de dialogue, d'éviter une suite de cases uniquement avec des têtes qui parlent.

Ce deuxième tome confirme la bonne impression donnée par le premier. John Ostrander réussit à donner de la personnalité à J'onn J'onzz (une personnalité très originale par rapport à l'ordinaire des superhéros), d'inscrire ses aventures à l'échelle de sa vie plusieurs fois centenaire. Il fait tout aussi fort avec la gestion des nombreux superpouvoirs de ce personnage (intangibilité, télépathie basique, vol autonome, superforce, rayons optiques, etc.). le scénariste réussit à mettre son personnage en danger, sans que le lecteur n'éprouve l'impression que son niveau de pouvoir varie en fonction des exigences du scénario.

Tom Mandrake donne une consistance parfaite à ces aventures hautes en couleurs et très éloignées d'une plausibilité basique (même pour un comics de superhéros). Il sait créer un environnement convaincant quel que soit la situation et la localisation. Il rend compte du mouvement des personnages, sans chercher à faire joli.
Commenter  J’apprécie          40



Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}