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Citations sur L'autre George : À la rencontre de George Eliot (74)

Peu disposée à réserver ses récits aux nobles infortunes des dames à crinolines, elle ne croit pas une seconde devoir se soumettre au diktat de choisir des héros hors du commun. Et si elle plaide la cause des gens ordinaires, c'est qu'à ses yeux l'ordinaire n'est jamais simple. Aux communs, aux laids, à ceux qui n'ont pas été désirés, l'existence réserve aussi des joies et des tristesses. La variété des situations humaines est suffisante à assurer leur complexité. Se souvient-elle de la George française ? Celle-ci jugeait également superflu — ainsi, dans Lucrezia Floriani — d'aller chercher au loin l'extraordinaire. Car « la vie est assez fantasque : il y a assez de désordres, de cataclysmes, d'orages, de désastres et d'imprévus ».
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Pour ces procureurs qu'un bras nu rend fous, pareille condamnation morale appelle irrésistiblement l'image de l'autre George. Mais c'est souvent pour ajouter que si Sand est souvent immorale, elle est toujours « magnifique ». C'est dire — ainsi John Ruskin, le plus féroce des détracteurs d'Eliot — que la George anglaise a le tort supplémentaire de loger le désir, la passion et la tragédie dans la vie étroite et laide des gens ordinaires, personnages « pris derrière le comptoir et sortis du caniveau ». Touche sordide ajoutée à l'inconvenance du propos.
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On comprend mieux, du même coup, pourquoi se presse dans les romans d'Eliot cette foule de personnages secondaires. Elle inspire à Brunetière un intéressant parallèle entre la littérature française et la littérature anglaise. Les Français, peuple révolutionnaire, sont restés trop aristocrates pour décrire les gens de peu. Le plus souvent, ils s'en passent. Quand ils s'exercent à les représenter, ils les transforment en Bouvards et Pécuchets. Les Anglais, et plus encore les Anglaises, savent, eux, leur faire une place équitable. Et rien n'illustre mieux pour Brunetière cette disposition insulaire que la tendresse de George Eliot pour les vies ordinaires, décrites avec une surabondance de détails qu'on peut juger tantôt vulgaire, et tantôt superflue.
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L'objet du roman est bien moins de capter l'événement historique éclatant que de faire sentir l'invisible travail de la durée : celle-ci oublie et retient à la fois, dans un équilibre instable, et toujours à recomposer, entre l'être et le devenir, la fixité et le mouvement, l'ancien et le nouveau.
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La mauvaise humeur des commentateurs du roman ["Le Moulin sur la Floss"] à l'égard de Stephen s'est étendue à la pauvre Maggie : la découverte de la sensualité de la jeune fille, cachée jusque- là par sa vie ascétique, suffisamment indiquée toutefois par la romancière, a indigné la pudibonde critique victorienne, si soucieuse de ménager la vertu des jeunes filles, et reconnaissante à Walter Scott de n'avoir fait place dans son oeuvre à aucun baiser. (p. 36)
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[A propos du "Moulin sur la Floss "] (...) et il ne chicane pas sa compassion à Maggie quand les objets qu'elle pleure sont des livres : eux aussi sont des trésors de mémoire, paragraphes soulignés, coloriages enfantins, tulipes séchées entre les pages. Mais ils sont tout autre chose encore : la chance de l'ubiquité , la promesse de l'évasion, la découverte d'autres mondes. C'est la disparition de ses livres qui arrache à Maggie la plainte décisive, en laquelle est enclose la tragédie du roman : " Il n'y aura rien dans notre vie qui ressemblera au début" (p. 26)
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(...) dans l'oeuvre d'Eliot, Fernand Brunetière voyait "le plus bel épanouissement littéraire" apès -La Comédie humaine, Charles Du Bos égalait -Middelmarch à Anna Karénine, Proust disait ne pouvoir lire deux pages d'elle sans pleurer. Et je plaiderais pour apporter quelques fleurs à cet immense génie. Car aujourd'hui ces voix louangeuses se sont tues, en France du moins. Et beaucoup de mes amis, grands lecteurs pourtant, parmi lesquels une très fine romancière, me demandant perplexes, après s'être enquis de mon travail : mais qu'est-ce qu'il a écrit, au juste,ce George ? (p. 19)
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George Eliot est loin d'être indifférente à l'adoucissement que les habitudes mettent dans les vies, et même les pinces à sucre des tantes ont droit à son indulgence. Toutefois, cette tolérance à la grande force apaisante des existences humaines est bien peu partagée par Maggie, indignée qu'au premier plan des soucis de sa mère il y ait non la santé de son mari, mais la dispersion de son argenterie. La "coutume" de la jeune fille n'est pas la transmission d'un héritage matériel; et pas davantage d'un héritage de convenances : en revenant à Saint-Ogg, elle ne fait pas ce qui convient, mais ce qui convient à sa conscience. Son unique héritage est celui, tout affectif, qui empêche de délier le présent du passé. (p. 40)
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La littérature fait à celui qui en ouvre la porte, et n’eût-il que huit ans, le cadeau inouï de la mobilité, de l’ubiquité, la chance d’entrer en commerce familier avec des êtres qu’il ne rencontrera pas, des villes qu’il ne visitera pas. Un trésor, en effet, et fabuleux : l’éveil à des perceptions nouvelles, l’ouverture à l’infinité des possibles. George Eliot les évoque à chaque fois qu’elle rend grâce aux écrivains qui ont le plus compté pour elle ; ainsi Rousseau ; ainsi Sand, l’autre George.
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Et le talent de celle qui conte la lente imprégnation de cette traversée [en diligence] est de faire sentir au lecteur, par toutes petites touches, et sans nul didactisme, les changements irrévocables qui marquent l’histoire anglaise des années trente du XIXe siècle et menacent son harmonie. D’abord, la naissance de la grande industrie, la migration vers les villes des ouvriers des champs et des petits ateliers, arrachés à un travail stable pour être parfois rejetés comme chômeurs sur le pavé de la grande-ville, armée meurtrière toute prête à la révolte. En conséquence, l’irrémédiable divorce, désormais, de la ville et de la campagne.
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