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Critique de Merik


Il y a bien un leitmotiv galopant au long de ce roman dense, un motif décliné de différentes manières par les membres du Clan comme une formule de ralliement désagrégée, empreinte d'appartenance nostalgique et de temps révolu de jeunesse à Cuba, révélatrice d'impuissance désabusée : « Putain, mais qu'est-ce qui nous est arrivé ? ».
Ce qui leur est arrivé, on le saura vite même si les circonstances seront distillées dans un suspense addictif jusqu'au final. « Deux traumatismes » avec « leurs mystères lancinants qui, malgré toutes les hypothèses [...], n'avaient pas de solutions convaincantes ». Et puis il leur est arrivé aussi un événement comme un tournant, l'ultime fois où ils se sont tous réunis pour les trente ans de Clara le 21 janvier 1990, en début de « Période Spéciale » à Cuba, où « Le présent les asphyxiait avec ses pénuries et ses dilemmes douloureux, et l'avenir s'estompait dans un brouillard impénétrable » . Etaient présents entre autres ce 21 janvier 1990 Elisa qui « était forte, belle, combative, très séductrice, et en même temps prête à flanquer une trempe au premier volontaire », Bernardo l'alcoolique, Dario pour qui « les dieux avaient placé dans ses poches les clés du destin », ou Irving avec « cette peur qui s'était emparée de son âme ». Une galerie foisonnante, bouillonnante, à la fois hétéroclite et homogène dans leur diversité, dont on croisera les protagonistes sur une période allant de 1990 à nos jours, qui tour à tour s'interrogeront sur ce qui leur est arrivé, apporteront leur pierre à la construction de la vérité, révèleront leur histoire personnelle et celles de leurs relations, leur intimité et leur vie sexuelle comme si « la disproportion nationale de la baise » à Cuba les poursuivait malgré tout.
Ils étaient présents en ce jour-là du 21 janvier 1990 à La Havane mais beaucoup d'entre eux se sont exilés depuis. Qu'ils soient désormais aux États-Unis, à Barcelone, à Madrid ou à Toulouse, ils diffuseront aussi en filigrane la part d'eux-mêmes restée sur leurs terres d'origine à l'époque du Clan, en évoquant par exemple leurs nouveaux amis qui ne seront à jamais que des nouveaux, incapables de prendre la place des autres, les vrais, ceux des origines.
Tous ces personnages superbement incarnés, le lecteur les découvrira peu à peu, après une première partie introductive où seulement deux jeunes américains font pour l'essentiel la part belle du roman, deux jeunes dont le hasard les a faits se rencontrer, deux jeunes désormais amoureux et passionnés qui s'installent à Hialeah. Adela dont « le sentiment persistant d'attirance pour tout ce qui était cubain avait pris une place exagérée [...] », et Marcos «cette tête brûlée de Marquitos le Lynx— ou Mandrake le magicien » . Marcos, le fils de Clara et de Dario. Un jour, il montre à Adela la dernière photo du Clan postée sur Facebook, prise à l'occasion du fameux anniversaire de Clara, restée à La Havane. Voilà pour l'évènement déclencheur. Une photo sur un fil de Facebook qui déploiera un roman fleuve charpenté autour de deux mystères et une résolution addictive, au déroulé tentaculaire et hypnotique, avec en toile de fond l'amitié émouvante sous condition d'exil, et l'histoire contemporaine de Cuba, ce pays « d'où les gens se barrent même par les fenêtres ».

« Il sentait que sa condition d'exilé, d'émigré ou d'expatrié —[...]— l'avait empêché de penser même à un bref retour et l'avait condamné à vivre une existence amputée, qui lui permettait d'imaginer un avenir mais où il ne pouvait pas se défaire du passé qui l'avait mené jusque-là et à être qui il était, ce qu'il était et comme il était. »

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