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Critique de caro64


Loin du Cuba exotique pour touristes, Leonardo Padura nous livre un roman noir mélancolique sur La Havane, ses combines et ses désillusions. Son héros, Mario Conde, a quitté la police depuis une dizaine d'années pour devenir un commerçant un peu particulier, achetant des vieux livres afin de les revendre à de riches Américains ou à quelques parvenus locaux. Pour survivre, se procurer du vrai café et de la nourriture, les intellectuels cubains et les grandes familles à bout de souffle doivent se séparer de leurs biens les plus chers: meubles, bijoux et livres précieux, réunis par plusieurs générations. Conde ne fait pas partie des professionnels les plus rapaces, cet idéaliste désappointé tentant de rester honnête dans ce marché de la pénurie. le jour où il franchit la porte de Dinisio Ferrero et d'Amalia, sa soeur, il comprend cependant qu'il pénètre dans un sanctuaire et qu'il va devoir opérer des choix stratégiques : les plus magnifiques ouvrages sur l'histoire du pays, les plus belles éditions originales s'ouvrent devant ses yeux. En furetant, Conde découvre dans un des volumes la photo d'une femme mystérieuse, la chanteuse de boleros, Violeta del Rio. Cette beauté drapée dans une robe satinée fut une star des années 1950, disparue du jour au lendemain. L'ancien flic se réveille : Mario Conde veut savoir qui était cette étoile filante et pourquoi son nom et son visage lui rappellent des souvenirs de famille étouffés depuis quarante ans.

Padura construit son récit en deux parties, en écho au deux faces du disque 78 tours de la mystérieuse chanteuse (Face A : Quitte-moi / Face B : Tu te souviendras de moi), et calque son rythme sur une mélodie lente et lancinante. La jeune femme aurait abandonné la chanson pour se marier à un homme fortuné de la Havane mais la révolution et le renversement de Batista ont accéléré les exils. Violeta del Rio a dès lors disparu des mémoires et rares sont les fantômes du passé qui peuvent se remémorer cette voix et ce visage angélique. Alcides Montes de Oca, l'amoureux transi de Violeta, s'est enfui, laissant aux soins de sa dévouée secrétaire Nemesis, la demeure familiale. La vieille femme est désormais cloîtrée dans une chambre et dans son passé, gardée par ses enfants, Amalia et Dionisio.
Le meurtre de Dionisio accélère une enquête menée d'abord dans le brouillard des souvenirs et qui va faire des incursions dans les bas-fonds de la Havane, parmi les taudis décrépis, la pauvreté démesurée et le désespoir tenace qui imprègne les rues pestilentielles.

Cette enquête d'une densité très noire n'est pas imprégnée d'un suspens haletant. La fin est attendue. Pourtant, le roman est envoûtant. A la fois roman historique, politique, social et policier, Les brumes du passé sont une belle fiction cruelle et sentimentale, lugubre et hargneuse. L'auteur fait un bilan terrible de Cuba depuis Castro, ses rêves dévoyés et ses échecs à l'aube du XXIe siècle. le troc est devenu le mot-clé d'un pays qui meurt d'inanition et se résigne aux plus cruels sacrifices pour avaler autre chose que de l'eau sucrée. En ajoutant une enquête sentimentale à sa réflexion, il intègre la dimension musicale avec la voix troublante des interprètes de boléros. Mais il est évident que Leonardo Padura, à travers Mario Conde, a le coeur dévasté par la misère de son pays et l'âme en berne devant cette nouvelle génération passée du côté des dollars et des combines poisseuses. Ce polar teinté de nostalgie est aussi un hymne à l'amitié et aux livres. Il s'adresse donc à tous les amateurs de littérature…
Ne passez pas à côté !!!

A déguster au son d'un boléro, un verre de rhum à la main (avec modération…)

Mon premier Padura et une très belle découverte !! Je me réjouis de replonger aussi vite que possible dans son univers et de retrouver son héros éminemment sympathique et attachant.
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