AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Une enquête de Mario Conde tome 7 sur 10

Elena Zayas (Traducteur)
EAN : 9782864245865
360 pages
Editions Métailié (24/08/2006)
3.97/5   263 notes
Résumé :
Mario Conde a quitté la police.

Il gagne sa vie en achetant et en vendant des livres anciens puisque beaucoup de Cubains sont contraints de vendre leurs bibliothèques pour pouvoir manger.

Ce jour d’été 2003, en entrant dans cette extraordinaire bibliothèque oubliée depuis quarante ans, ce ne sont pas des trésors de bibliophilie ou des perspectives financières alléchantes pour lui et ses amis de toujours qu’il va découvrir mais une myst... >Voir plus
Que lire après Une enquête de Mario Conde : Les brumes du passéVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (50) Voir plus Ajouter une critique
3,97

sur 263 notes
Ma rencontre l'autre jour avec “L'homme qui aimait les chiens” a laissé des traces, des traces indélébiles. 2016 serait-elle l'année Leonardo Padura ?
Avec son humour pince-sans-rire, ses longues phrases si bien construites que l'on se surprend de temps à autre à les lire à haute voix, son regard sans concession sur le monde qui l'entoure, l'auteur cubain méritait bien dans la foulée une deuxième approche.

La vie à Cuba n'est pas une sinécure. Depuis le début des années 90 la crise économique a pris des proportions jusque là jamais atteintes. Parmi les trafics en tout genre, souvent liés au tourisme, celui des livres rares et précieux s'est développé ces dernières années. Le pays regorge de trésors bibliographiques disséminés chez des particuliers autrefois fortunés. Mais lorsque qu'une faim “à manger des cailloux” vous tiraille, la beauté d'un livre ancien perd forcément un peu de son éclat...

Mario Conde a passé dix ans dans la police avant de démissionner. Depuis trois ans il traficote avec un copain, achète pour les revendre ces oeuvres littéraires pouvant atteindre plusieurs milliers de dollars à l'étranger .
Un jour alors qu'il feuillette un des milliers de livres appartenant à une famille aux abois, un article glissé entre deux pages et se rapportant à une chanteuse de boléros disparue mystérieusement cinquante ans plus tôt réveille ses instincts d'ancien policier mais aussi de cinquantenaire jamais indifférent aux attraits féminins.

Comment en l'occurrence résister au charme fou de cette Violeta del Río, à ce corps de rêve glissé dans un fourreau de lamé, à cette voix épaisse, chaude, obstinée, avec cet accent de dédain de femme fatale qui vous parle à l'oreille plus qu'elle ne chante !

“Tu te souviendras de moi
Où que tu écoutes ma chanson,
Car enfin je fus celle
Qui t'enseigna tout… tout…
Ce que tu sais de l'amour…”

Le roman ‘'Les brumes du passé” est tout à la fois policier, historique et sociologique. Il vous fera passer alternativement de l'ambiance insouciante des cabarets des années cinquante aux bas-fonds havanais d'aujourd'hui.
L'intrigue sort des sentiers battus, la sensualité de Violeta est évidemment inoubliable et Mario Conde et ses acolytes sont de joyeux drilles toujours d'humeur égale malgré la pénurie ambiante.

Un boléro cubain en fond sonore, un verre de rhum et un havane à portée de la main pour se laisser bercer de façon optimale dans “Les brumes du passé”...



Commenter  J’apprécie          807
Leonardo Padura est né en 1955 à Mantilla, La Havane (Cuba). Après avoir été critique et essayiste, il trouve progressivement sa voie, entre littérature et journalisme, publiant romans et essais. En 1991, il crée Mario Conde, son héros, flic et enquêteur.

Publié en français aux Editions Métaillé, en 2006, « Les brumes du passé » (« La neblina del ayer ») relate une étrange aventure. Jugez plutôt. Dans une maison de maître, à La Havane, Conde -qui a quitté la police- découvre une bibliothèque contenant des centaines de livres rares. Il en achète quelques uns et en confie un -un livre très rare, de cuisine- à Joséfina, la mère de Flaco Carlos (un copain) afin qu'elle compose un menu qui fasse oublier à ses copains (Yoyi le Palomo, le Flaco, le Conejo, le mulâtre Candito) leur malnutrition quotidienne. Un vieil article de journal coincé entre les recettes du livre bouleverse cependant ce projet. Lancé à la recherche de Violeta del Rio (excitante chanteuse de boléros, surnommée La Dame de la Nuit), Conde mène l'enquête, aidé par ses copains et par Manolo (un ancien collaborateur). Notre ex-flic croise de nombreux personnages : Dionisio et Amalia Ferrero (détenteurs de raretés livresques et liés aux richissimes Montes de Oca, une famille influente de Cuba et proche du pouvoir exercé par l'ex-dictateur Batista), Pancho Carmona (expert en livres rares), Fleur de Lotus (ancienne prostituée et amie de Violeta), Silvano Quintero (journaliste ayant approché de trop près Violeta et ayant failli le payer de sa vie), Juan l'Africain (doté d'un organe surdimensionné qui fait la joie des chupas-chupa), le fantôme d'un Noir boiteux (que personne n'a rencontré mais qui semble chercher des livres rares) et quelques autres. Rien n'est simple pour Conde. Entre deux rhums, deux cigares et deux Chevrolet modèle Bel Air (on est à La Havane), au milieu des cris de la rue et aux accents du boléro, errant de rebondissements en rebondissements, Conde finira par découvrir la vérité, au grand bonheur de Tamara, sa compagne, une femme aux yeux limpides comme deux amandes humides.

L'enquête de Conde n'est qu'un prétexte pour plonger le lecteur dans la mémoire historique de Cuba et dans la description de son présent misérable. Avec mélancolie et nostalgie, mais aussi fierté et orgueil, Padura évoque les heures de gloire de Cuba (cf. ma citation), une époque où la culture, le travail et la civilisation n'excluait pas l'insouciance et la passion. Mais Padura énonce aussi -plus qu'il ne dénonce- la pauvreté, la détresse alimentaire, la prostitution, les trafics en tout genre, la délinquance et la corruption ; il prend la précaution de montrer la réalité sociale de l'île au travers des yeux de Conde, témoin privilégié et alcoolique, ayant des accointances avec la pègre, vengeur, défenseur de la veuve et de l'orphelin. Tout en nuances, l'auteur permet ainsi aux contempteurs comme aux laudateurs du régime de s'y retrouver. Padura souhaite que le peuple cubain retrouve le chemin de la normalité. « Les Brumes du passé » est donc un « entrelacs d'amours, de malheurs et de séparations ». Padura lie les histoires personnelles de ses personnages au destin collectif de Cuba. L'écriture de Padura est dense, réjouissante, chaleureuse et exubérante.

Alors, un chef-d'oeuvre ? Non, car nonobstant ce qui précède, le livre est un tissu d'invraisemblances : Condé un ex-flic passionné de littérature et expert en histoire de la littérature cubaine ? Condé découvrant des livres rares stockés depuis plus de 50 ans en pleine atmosphère tropicale (80 % d'humidité pendant la saison des pluies) mais en parfait état de conservation ? Violeta, une chanteuse de boléros qui serait en fait une aristo ayant eu une liaison avec un très riche amant, proche des amis de Batista ? Confectionner un menu inoubliable en pleine crise alimentaire cubaine alors que les ingrédients de base sont introuvables et hors de prix ? Fleur de Lotus qui, à 80 ans passés, entre en confession devant Conde, et sur 13 pages ! Condé qui, après avoir été copieusement passé à tabac, se met à voir Bouddha ! le père de Condé qui aurait admiré et connu personnellement Violeta ? N'en jetez plus ! Et puis, sauf à être lui-même bibliothécaire et spécialiste de la littérature cubaine, le lecteur n'en pourra plus de toutes ces références énoncées pour chaque livre rare identifié dans la bibliothèque de Dionisio et d'Amalia Ferrero. En outre, le démarrage est lent, le suspens n'est pas très marqué, les enjeux sont faibles (comment se passionner pour une enquête portant sur un événement survenu il y a plus de cinquante ans ?) et le procédé utilisé par Padura (un livre en deux parties, comme les deux faces d'un disque de Violeta del Rio, et des lettres énigmatiques d'une femme qui se mêlent aux détails de l'enquête) –bien qu'original- est sans effets positifs sur la lecture. Conclusion : pas très emballant, à mi-chemin entre polar et guide touristique sur La Havane !
Commenter  J’apprécie          400
Une très intéressante découverte que cet auteur cubain que je lis pour la première fois avec cette fiction, où les livres anciens et les antiquaires ont une place de choix...

Si j'ai bien saisi, je "prends le train en route", puisque notre héros, Mario Gronde, était dans des textes antérieurs , un policier. Ce dernier a décidé de quitter la police, et de se lancer dans l'achat et la revente de livres anciens...

Un jour d'été 2003, notre libraire rentrera dans une fabuleuse bibliothèque familiale protégée mais aussi oubliée pendant 40 ans...Notre libraire aura un déclic...en voyant le nom d'une chanteuse de Boléro, des années 50...

Il partira en chasse pour savoir pourquoi après avoir enregistré un disque [ayant reçu un accueil des plus chaleureux ], elle abandonnera tout. Cette enquête...au milieu de cette estimation de bibliothèque va permettre à l'auteur de raconter l'histoire de Cuba...

Astucieux et très prenant !!... Poésie, nostalgie...et moult détails sur l'histoire du pays ...

"Les premières heures de la matinée et les dernières de l'après-midi étaient généralement les plus fertiles pour les vendeurs de livres anciens (...)
Cette foule confuse-fonctionnaires, petits commerçants, retraités, économes, vieux militants désormais sans militantisme mais obstinés à voir de leurs propres yeux l'ultime bastion du socialisme le plus pur, mélangés aux fantoches de tout acabit, convaincus par d'habiles voyagistes que Cuba était un paradis bon marché- avait tendance à s'adonner à d'autres passions plus élémentaires, sensuelles, climatiques et parfois même idéologiques, bien différentes de la bibliophilie."
(Métailié, collection Suites, 2009, p. 73)
Commenter  J’apprécie          470
Loin du Cuba exotique pour touristes, Leonardo Padura nous livre un roman noir mélancolique sur La Havane, ses combines et ses désillusions. Son héros, Mario Conde, a quitté la police depuis une dizaine d'années pour devenir un commerçant un peu particulier, achetant des vieux livres afin de les revendre à de riches Américains ou à quelques parvenus locaux. Pour survivre, se procurer du vrai café et de la nourriture, les intellectuels cubains et les grandes familles à bout de souffle doivent se séparer de leurs biens les plus chers: meubles, bijoux et livres précieux, réunis par plusieurs générations. Conde ne fait pas partie des professionnels les plus rapaces, cet idéaliste désappointé tentant de rester honnête dans ce marché de la pénurie. le jour où il franchit la porte de Dinisio Ferrero et d'Amalia, sa soeur, il comprend cependant qu'il pénètre dans un sanctuaire et qu'il va devoir opérer des choix stratégiques : les plus magnifiques ouvrages sur l'histoire du pays, les plus belles éditions originales s'ouvrent devant ses yeux. En furetant, Conde découvre dans un des volumes la photo d'une femme mystérieuse, la chanteuse de boleros, Violeta del Rio. Cette beauté drapée dans une robe satinée fut une star des années 1950, disparue du jour au lendemain. L'ancien flic se réveille : Mario Conde veut savoir qui était cette étoile filante et pourquoi son nom et son visage lui rappellent des souvenirs de famille étouffés depuis quarante ans.

Padura construit son récit en deux parties, en écho au deux faces du disque 78 tours de la mystérieuse chanteuse (Face A : Quitte-moi / Face B : Tu te souviendras de moi), et calque son rythme sur une mélodie lente et lancinante. La jeune femme aurait abandonné la chanson pour se marier à un homme fortuné de la Havane mais la révolution et le renversement de Batista ont accéléré les exils. Violeta del Rio a dès lors disparu des mémoires et rares sont les fantômes du passé qui peuvent se remémorer cette voix et ce visage angélique. Alcides Montes de Oca, l'amoureux transi de Violeta, s'est enfui, laissant aux soins de sa dévouée secrétaire Nemesis, la demeure familiale. La vieille femme est désormais cloîtrée dans une chambre et dans son passé, gardée par ses enfants, Amalia et Dionisio.
Le meurtre de Dionisio accélère une enquête menée d'abord dans le brouillard des souvenirs et qui va faire des incursions dans les bas-fonds de la Havane, parmi les taudis décrépis, la pauvreté démesurée et le désespoir tenace qui imprègne les rues pestilentielles.

Cette enquête d'une densité très noire n'est pas imprégnée d'un suspens haletant. La fin est attendue. Pourtant, le roman est envoûtant. A la fois roman historique, politique, social et policier, Les brumes du passé sont une belle fiction cruelle et sentimentale, lugubre et hargneuse. L'auteur fait un bilan terrible de Cuba depuis Castro, ses rêves dévoyés et ses échecs à l'aube du XXIe siècle. le troc est devenu le mot-clé d'un pays qui meurt d'inanition et se résigne aux plus cruels sacrifices pour avaler autre chose que de l'eau sucrée. En ajoutant une enquête sentimentale à sa réflexion, il intègre la dimension musicale avec la voix troublante des interprètes de boléros. Mais il est évident que Leonardo Padura, à travers Mario Conde, a le coeur dévasté par la misère de son pays et l'âme en berne devant cette nouvelle génération passée du côté des dollars et des combines poisseuses. Ce polar teinté de nostalgie est aussi un hymne à l'amitié et aux livres. Il s'adresse donc à tous les amateurs de littérature…
Ne passez pas à côté !!!

A déguster au son d'un boléro, un verre de rhum à la main (avec modération…)

Mon premier Padura et une très belle découverte !! Je me réjouis de replonger aussi vite que possible dans son univers et de retrouver son héros éminemment sympathique et attachant.
Commenter  J’apprécie          370
Une fois de plus, Padura nous entraîne dans le Cuba mythique des années 1950. Notre guide est le commissaire Mario Conde, mais cette fois, il n'est plus flic, mais vendeur de beaux livres....Padura titille les rivages ambiguës de notre personnalité, comme le sont ceux de ses personnages. Nous aimons l'authenticité de l'Espagne de Franco, du Cuba de Batista, mais nous nous en défendons...voire !
Les héros du livre avaient 18 ou 20 ans dans les années 1970, il se sont écorchés les mains pendant la grande campagne de coupe de la canne à sucre, celle qui devait sauver le pays, sortir l'île du marasme économique dans lequel l'embargo l'a plongé. Près de trente ans plus tard, ils constatent, amers, qu'il ne leur reste que les ampoules aux mains et les cals.
Personne à Cuba ne croit plus à la grande révolution castriste et, la «démerde» bat son plein, dans un système qui refuse de jeter l'éponge et de passer à autre chose, mais tolère des pratiques qu'il réprouve officiellement.
Dans ce conetxte explosif, les bibliothécaires payés deux-cent-soixante pesos par mois, alors qu'ils ont la responsabilité d'ouvrages dépassant les plusieurs milliers de pesos, sont tentés, et certains n'hésitent pas à franchir le pss, troquant sur des marchés parallèles, des ouvrages qu'ils sont chargés de conserver en l'état pour les lecteurs. Mais la perspective de gagner en un rien de temps jusqu'à vingt mois de salaire, est plus forte que tout.
Drogue, prostitution, rackets, dans des quartiers dont les immeubles s'effondrent, malgré les étais qui permettent de continuer à vivre, sont les autres alternatives. Brader les fonds culturels du pays apparaît moins risqué et finalement pas si grave que cela.
Mario Conde est un sentimental, il est entouré de ses amis nostalgiques d'une époque, celle où ils pirataient les disques interdits des Beatles, des Creedence Clearwater Revival et autres Chicago.
Ils sont simplement nostalgiques de leur jeunesse, même s'ils ne croient plus aux idéaux qui l'on bercée.
Ils n'y seront jamais indifférents.
La générosité et la solidarité vraies est ce qui leur reste de cette époque. Générosité et solidarité dont chacun sait faire preuve lorsqu'une bonne fortune croise son chemin. Il est acquis qu'il en partagera les bénéfices avec ses amis de toujours, rhums vieux, cigares, plats fins, fête au menu...
Mario Conde, vendeur de livres anciens, s'est associé avec Yopi El Palomo, un jeune homme dont il est l'aîné de plus de trente ans. Ce dernier fait aussi dans le commerce des livres anciens et traite Conde et ses amis (Carlos El Flaco, sa mère Josefina, Caudito El Rojo, Conejo), de martiens.
La fortune leur sourit seulement lorsque le hasard le veut bien (ces hasards leurs sont souvent annoncés par une prémonition de Condé, son faux début d'infarctus le chatouille et il sent qu'il va se passer quelque chose d'extraordinaire)
Pour Conde, cette fois, le hasard met sur son chemin la bibliothèque des Montes de Oca, une richissime famille cubaine.Un trésor estimé à plusieurs milliers de dollars américains, même si Conde considère qu'un bon tiers de ces livres ne doit pas quitter Cuba, au grand dam de son associé qui a beaucoup moins de scrupules que l'ex policier.
Cependant, la bibliothèque recèle autre chose que des livres et ramène Conde et El Palomo à l'histoire ancienne de Cuba, base arrière de la maffia américaine, avec Meyer Lanski, Joe Luciano et autre parrains venant en villégiature sur l'île, souvent avec la bénédiction des USA et du dictateur Batista. Nous étions à l'époque du Tout Sauf le Communisme (TSC).
Conde découvre ainsi l'existence de Violeta del Rio, une chanteuse de boléro qui fait tourner la tête à tous ceux qui l'entendent, hommes ou femmes.
«Je suis foutu ! Il va falloir que je sache qui était cette femme et ce qui a bien pu lui arriver.»
« Elle avait un timbre un peu rauque, de femme mûre qui a beaucoup bu dans sa vie, elle n'élevait jamais trop la voix, elle disait presque les boléros plus qu'elle ne les chantait et dès qu'elle se lançait, les gens se taisaient, ils en oubliaient leurs verres, parce qu'elle avait quelque chose d'une sorcière qui hypnotisait tout le monde, les hommes et les femmes, les souteneurs et les putains, les ivrognes et les drogués, car les boléros elle en faisait un drame et pas n'importe quelle chanson (...) comme si c'était les choses de sa propre vie qu'elle racontait là, devant tout le monde.»

Son suicide, au fait de sa gloire, reste un mystère, est-il un meurtre maquillé, où un pur hasard survenu en même temps que des épisodes de l'histoire la plus sanglante de la mafia.
L'assassinat de Dionisio, le fils de la gouvernante de Alcides Montes de Oca ne serait-il pas lui aussi en line avec la mort de violeta ?
Conde, bien que vendeur de livres, est embarqué dans une enquête qui le force à redevenir le flic affûté, remonter le temps, à interroger des témoins d'un âge canonique dont aucun, pourtant n'a perdu la mémoire :

Le journaliste et critique musical, Rafael Gíro :

« le boléro, c'est pas n'importe quoi, bine sûr que non : pour le chanter, il faut l'assumer plutôt que l'éprouver. le boléro n'est pas une réalité, mais un désir de réalité auquel on accède à travers l'apparence de la réalité, vous me suivez ? C'est pas grave...»

Le timbalier de l'orchestre Rogelito :

« (...) ce jour là, elle ne travaillait pas, mais elle chantait parce qu'elle avait envie de chanter et Frank Emilio au piano avait très envie de jouer et comme tous les deux en avaient très envie, ce qu'ils ont fait cette nuit-là, c'est quelque chose qu'on n'oublie jamais, même si on vit mille ans. Je t'ai déjà dit que Violeta était un sacré beau brin de fille ? D'accord, elle avait dix-hui ou dix-neuf ans et à cet âge-là, elles sont toutes appétissantes, même la mère Teresa de Calcutta ! »

Kathy Barqué, la chanteuse de boléro dont le succès est menacé par le le talent érotique de Violeta, la chanteuse à la voix envoutante :

« Tout à coup, cette Violeta a fait son apparition, décidée à me prendre ce qui m'appartenait . Elle avait la jeunesse, un corps, je crois qu'elle avait même un coeur, mais il lui manquait les ovaires...et un maître pour lui apprendre à chanter.»

Tous confirment peu ou prou l'intuition de Mario Conde.

Une plongée historique dans ce Cuba disparu qui survit uniquement par la musique, les voitures américaines, et une nostalgie qui étreint toute la société cubain, malgré les promesses de Castro et les privations connus sous l'ère Batista.
Conde fait oeuvre d'historien, au delà de l'intrigue policière menée de façon admirable, un meurtre, des suspects, des témoins, des mensonges, des demi-vérités. le roman nous permet de découvrir un monde englouti que le film de Wim Wenders, Buena Vista Social Club nous a montré la partie émergée. Padura nous entraine au fonds dans une apnée dévastatrice. On pense aussi en le lisant, à la série HBO Boardwalk Empire dans laquelle Meyer Lansky et Joe Luciano apparaissent.
La leçon de ce livre émouvant de nostalgie, écrit avec maestria, documenté avec précision, est qu'au delà des systèmes qui veulent les maîtriser, les asservir, leur livre des prêts-à-penser, les humains font toujours preuve d'une imagination qui peut quelquefois dépasser le pire...soit construire un univers de valeurs étanche qui leur permet d'échapper un temps au rouleau compresseur de la norme morale religieuse ou économique.

Je recommande chaudement la lecture de Les brumes du passé...

Comme chante Violeta del Rio :

«Je serai dans ta vie, le meilleur
Des brumes du passé
Quand tu parviendras
à m'oublier,
Comme le plus beau ver est
celui
dont on ne peut
se souvenir...
Oui, maintenant...
Quitte moi.

Ne pleurez surtout pas...courez vite lire Les brumes du passé !
Lien : http://desecrits.blog.lemond..
Commenter  J’apprécie          328

Citations et extraits (112) Voir plus Ajouter une citation
page 85
[...] La Havane, c’était de la folie : je crois que c'était la ville la plus vivante du monde. Paris ou New York, de la merde, oui ! Beaucoup trop froides ... Pour la vie nocturne, il n'y avait pas mieux qu'ici. C'est vrai qu'il y avait des putes, la drogue, la mafia, mais les gens s'amusaient et la nuit commençait à six heures du soir et ne finissait pas. Tu t'imagines, dans une même nuit tu pouvais prendre une bière à huit heures en écoutant les Anacaonas aux Aires Libres sur le Prado, dîner à neuf heures avec la musique et les chansons de Bola de Nieve, puis t'asseoir au Saint-John pour écouter Elena Burke, ensuite aller dans un cabaret pour danser avec Benny Moré, ou avec les groupes Aragon, Casino de Playa, Sonora Matancera, te reposer un moment en savourant les boléros d'Olga Guillot, de Vicentico Valdés, de Nico Membiela ... ou aller écouter les jeunes du feeling, José Antonio Méndez avec sa voix rauque, César Portillo et, pour finir la nuit, à deux heures du matin tu pouvais faire un saut à la plage de Mariano pour assister au spectacle du Chori frappant sur ses timbales, et toi, là, comme si de rien n'était, assis entre Marlon Brando et Cab Calloway, à côté d'Errol Flynn et de Joséphine Baker. Et après, si tu n'étais pas complètement mort, tu pouvais descendre à La Gruta, là sur la Rampa, pour te retrouver au lever du jour, emporté par le jazz de Cachao, Tata Güines, Barreto, Bebo Valdès, le Noir Vivar et Frank Emilio qui faisaient un bœuf avec tous ces fous qui étaient les meilleurs musiciens que Cuba ait jamais eus ! Ils étaient des milliers, la musique était l'atmosphère et elle était à couper au couteau, il fallait l'écarter pour pouvoir passer ... Et Violeta del Rio faisait partie de ce monde ... [...]
Commenter  J’apprécie          460
Malgré quelques aménagements récents, le vieux quartier chinois de la Havane était toujours un endroit sordide et oppressant où pendant des décennies s'étaient entassés les Asiatiques arrivés dans l'île avec le vain espoir d'une vie meilleure et même le rêve, vite assassiné, de s'enrichir. Même si au cours des dernières années les anciennes sociétés chinoises, de plus en plus obsolètes, avaient retardé leur prévisible mort naturelle en se transformant en restaurants - leurs plats gras étaient à des prix de moins en moins modiques - qui avaient donné une vie et une ambiance au quartier, la géographie de la zone continuait à exhiber, presque avec cynisme, une furieuse détérioration...Ces vieux édifices du début du XXe siècle, dont beaucoup transformés en solares où s'entassaient plusieurs familles, avaient oublié depuis longtemps l'éventuel charme qu'ils avaient sans doute eu un jour et, dans leur décadence irréversible, ils offraient un panorama de pauvreté compacte, Noirs, Blancs, Chinois et métis de tout sang et de toute croyance cohabitaient là dans une misère qui ne faisait aucune distinction entre les nuances de couleur et les origines géographiques, les rendant tous égaux et les poussant à une lutte pour la survie qui les rendait généralement agressifs et cyniques, comme des êtres désormais étrangers à toute forme d'espoir.
Commenter  J’apprécie          552
L'évaluation des livres prit une demi-heure, pendant laquelle ils burent deux cafés et, grâce à l'opiniâtreté de Condé, ils se mirent d'accord sur un chiffre qui leur sembla satisfaisant pour tout le monde. Quand le Conde prit place sur le canapé, Yoyi le Palomo préféra rester près de l'une des fenêtres aux verres de couleur, comme le boxeur qui attend dans le coin neutre la fin définitive du comptage ou le signal de la reprise du combat. Le frère et la soeur Ferrero s'installèrent dans les fauteuils et le Conde trouva pathétique la nervosité évidente de leurs gestes ; il pensa que la faim et les principes, la misère et la dignité, les privations et l'orgueil étaient des couples difficiles à marier.
Commenter  J’apprécie          497
... Tu sais bien qu’on vit dans la jungle. Dès que tu sors de ta coquille, tu es entouré de vautours, de gens décidés à te baiser, à te piquer ton fric, à sauter ta nana, à te dénoncer et à te voir te fracasser la gueule pour gagner des points et grimper un peu... Y a un paquet de gens sur le point de se barrer, pour ne plus se compliquer la vie, et la majorité veulent se tirer, prendre le large, même si c’est pour Madagascar. Et les autres, qu’ils aillent se faire foutre... sans trop attendre de la vie.
― Ça ne ressemble pas beaucoup à ce que disent les journaux, remarqua le Conde pour l’asticoter et le faire réagir, mais Yoyi fut plus rapide.
― Quels journaux ? Une fois j’en ai acheté un pour me torcher le cul et il me l’a laissé tout dégueulasse, je te jure... (p.83)
Commenter  J’apprécie          240
Les premières heures de la matinée et les dernières de l'après-midi étaient généralement les plus fertiles pour les vendeurs de livres anciens (...)
Cette foule confuse-fonctionnaires, petits commerçants, retraités, économes, vieux militants désormais sans militantisme mais obstinés à voir de leurs propres yeux l'ultime bastion du socialisme le plus pur, mélangés aux fantoches de tout acabit, convaincus par d'habiles voyagistes que Cuba était un paradis bon marché- avait tendance à s'adonner à d'autres passions plus élémentaires, sensuelles, climatiques et parfois même idéologiques, bien différentes de la bibliophilie. (Métailié, collection Suites, 2009, p. 73)
Commenter  J’apprécie          200

Videos de Leonardo Padura (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Leonardo Padura
4 SEASONS IN HAVANA - Teaser Trailer
CONVERSATIONS et QUESTIONS sur ce livre Voir plus
autres livres classés : cubaVoir plus
Les plus populaires : Polar et thriller Voir plus


Lecteurs (556) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (6 - polars et thrillers )

Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

seul
profond
terrible
intense

20 questions
2864 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , thriller , romans policiers et polarsCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..