AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de NicolasElie


Une chronique de Seb, sur Aire(s) Libre(s) :
« Dans le métro, je me suis passé les mains sur la figure, puis j'ai regardé mes doigts trembler. La rame cahotait vite et fort, à l'image de ma vie, en ferraillant. J'ai regardé ma figure dans la vitre sombre. Elle ne m'a pas plus enthousiasmé que d'habitude. C'était bel et bien une sale tronche de gouape taillée à la serpe, et de gouape qui ne mange pas tous les jours à sa faim. On ne voyait pas les yeux où s'étaient peut-être réfugiée un peu de vie et c'était tant mieux. L'avidité, ça reste longtemps après la mort. »

L'histoire est celle d'un inspecteur divisionnaire déclassé parce que pas en odeur de sainteté. C'est le récit de sa descente aux enfers dans un monde qu'il ne reconnaît plus.

Ça fait un bail que je n'avais pas lu un roman de cette classe-là. Plusieurs fois au cours de ma lecture, je me suis arrêté pour relire un passage, des paragraphes entiers. La beauté singulière de la littérature noire, quand elle est à ce point élevée dans la grâce, ne peut pas s'user. Une fois le livre fini, je me suis interrogé. En effet, je n'en avais jamais entendu parler, alors j'ai fait mon flic, j'ai fouiné. Sur le net, évidemment. Ben il n'y a pas grand-chose. Presque pas de chroniques, presque rien. C'est pourtant du très haut de gamme. Bon, ce roman est paru en 1990, alors comme disait ma grand-mère « il a fait son temps », sauf qu'elle utilisait toujours cette formule laconique pour parler d'une personne dont on lui annonçait la mort. Mais les romans de ce tonneau ont la vie dure et le cuir épais, trente-quatre ans plus tard, il est toujours là, et peut-être que comme certains vins, il s'est bonifié, va savoir. Où alors c'est que le niveau a baissé et que L'étage des morts sort aujourd'hui du lot ; comme aime le dire Pagan, au royaume des aveugles les borgnes sont rois.

Dans ce roman très noir, on retrouve tout ce qui fait un livre de Hugues Pagan : la classe, une écriture soignée de chez soignée, un style désenchanté, je pourrais même dire désabusé, sauf que cela ne se traduit pas par un relâchement littéraire, bien au contraire. Plus je lis Pagan plus je me dis qu'il écrit comme il doit écouter de la musique, en lévitation, avec un coup d'avance, subtilement, agile, profond et un peu insaisissable. Plus je le lis et plus je suis accro.
La narration à la première personne du singulier nous plonge immédiatement en empathie avec cet inspecteur divisionnaire en pleine glissade, lente, très lente. L'atmosphère est énorme, cinématographique, mais le client est aussi scénariste, alors ça se voit, ça s'entend, ça se sent. Tout est à fleur de peau, le coeur de la ville palpite comme un coeur régulier et la nuit, si belle et profonde sous la plume de l'auteur, se déploie dans toute sa profondeur, vieux puits où les flics usés jettent leur blues, leur fatigue et leurs fantômes.

Mais Hugues Pagan sait se faire tireur d'élite quand il le faut, avec des phrases sèches, redoutables. Page 72 : le seul vrai permis de tuer, c'est le pognon qui le donne.
La suite, sur Aire(s) Libre(s) :
Lien : https://aireslibres.net/2024..
Commenter  J’apprécie          00







{* *}