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Critique de YvesParis


Pour la prochaine rentrée littéraire, Gallimard a choisi de mettte en avant le dernier roman de Dominique Pagnier. Choix courageux s'il en est : oeuvre d'un écrivain sexagénaire plus connu pour ses poèmes que pour ses récits, "Le Cénotaphe de Newton" est un épais volume de près de six cents pages d'un abord difficile.

Le résumer est une gageure. La vie de son héros traverse le siècle. Né en 1900, mort en 2001, Manfred Arius est le père de la belle mère du narrateur. Happé par le tourbillon de la Première guerre mondiale, il fut prisonnier en Asie centrale avant de rejoindre les rangs du Komintern. Pendant la Seconde guerre mondiale, il rencontre en captivité en Allemagne le père du narrateur qui l'aide à s'évader. Ils se retrouvent en RDA au plus fort de la Guerre froide où ce dernier fait la conquête de la fille de son compagnon de captivité et la fait passer à l'ouest. Piégé par la Stasi, Manfred Arius en deviendra un informateur sous le nom de code Newton.

L'histoire vous semble compliquée ? Ce n'en est qu'une facette. Car le récit se décentre bientôt pour suivre le destin de Jeannette, la fille que Manfred, devenu professeur d'art, eut tardivement en 1968 avec une de ses étudiantes. La vie de Jeannette, c'est l'histoire de l'agonie de la RDA - qu'a bien connue Dominique Pagnier et son double romanesque : l'exécration mêlée de fascination à l'égard de la RFA, la révolte punk des plus jeunes, la toute puissance du système policier.

Ce système policier omniscient est incarné par Helmar Götz, le troisième héros du roman. Sa médiocrité n'a d'égale que son professionnalisme. La surveillance de Manfred Arius lui a été confiée. Elle tourne bientôt pour lui à l'obsession et le met sur les traces de Jeannette dont il tombe follement amoureux.

Ce troisième volet du roman fait bien sûr penser à "La Vie des Autres" l'exceptionnel film de Florian Henckel von Donnersmarck. Mais il ne s'y résume pas. Par son sujet, par son volume, par son ambition, "Le Cénotaphe de Newton" vise plus haut. Il m'a rappelé "Zone" de Mathias Énard ou "Waltemberg" de Hédi Kaddour, deux livres vieux d'une dizaine d'années qui m'ont durablement marqué... alors que j'en ai paradoxalement quasiment oublié le contenu.

Comme Mathias Énard, comme Hédi Kaddour, Dominique Pagnier nous entraîne dans une histoire (trop ?) foisonnante où les destins individuels des personnages sont autant de miroirs tendus à la grande histoire. La construction de son roman qui saute d'une époque et d'un personnage à un autre force l'admiration. On peut essayer de s'y retrouver en dressant un arbre généalogique ou en prenant des notes, histoire de comprendre qui est qui et qui fait quoi. On peut aussi s'y perdre.
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