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Critique de DonaSwann


Une musicienne, vestale porteuse de la flamme de musiques plus anciennes, se sent une connexion invincible, presque dérangeante pour un portrait dans sa chambre... L'auteur nous laisse penser qu'il s'agit de celui de Maurice Guilhon, un universitaire, linguiste et lexicographie, devenu une sorte de sauveteur des langues et idiomes en cours de disparition, luttant inlassablement contre l'entropie... le roman devient dystopique quand les dictionnaires et lexiques sont mystérieusement atteints d'une lèpre, de champignons, de dégradation, portant une atteinte irrémédiable à l'inestimable richesse de ceux qui emploient, employaient leurs mots.

J'ai très vite mesuré le privilège que j'avais de lire un roman de la perte, de la destruction, de la décadence écrit dans une langue d'une richesse "rare et précieuse" comme s'intitule le dictionnaire des mots relevant de ces épithètes ; on a même vers le début des périodes qui mériteraient le qualificatif de "cicéroniennes", telles que plus personne n'ose en écrire, tant c'est classique... mais beau et défiant la vivacité des esprits. L'objectif de cette sorte de contrepoint est, à mon avis, d'accentuer encore le sentiment de déperdition linguistique en nous faisant prendre de conscience des trésors qu'elle recèle... en nous tentant d'employer l'imparfait pour ce verbe "receler", car on se rend bien compte que beaucoup d'entre eux ont disparu ! La division inattendue en courts chapitres qui suspendent le souffle narratif évoquent, eux aussi, l'intervention inopinée du silence, les heurts, les trous...

C'est à travers son histoire d'amour pour Elisabeth Wehland, dernière dépositaire d'une langue dace (l'imitation du roumain est très réussie, à mon humble avis), que nous vivons d'une manière palpitante la traque d'une langue agonisante dont il ne reste plus que treize infinitifs et une locutrice fuyante. J'ai irrésistiblement pensé à Dumézil qui avait appris une langue du Maghreb qu'il était seul à parler, avec celui qui la lui avait apprise, et qui attendait avec impatience qu'il revienne pour la parler avec lui...

Je ressens un intérêt particulier pour le personnage de Sabrina Westwood, personnage opposant particulièrement soigné et réussi, en Hypatie vénéneuse, crédiblement néo-platonicienne, et vindicative. C'est surtout lui qui m'a donné envie de noter des citations.

Un grand merci à Babelio et aux éditions le Beau Jardin de m'avoir donné l'occasion de découvrir ce roman et d'en rendre compte librement.
Lien : http://aufildesimages.canalb..
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