AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Gabylarvaire


« Je vis dans un monde merdique. Oui. Mais je suis vivant. » Full Métal Jacket.

Madison n'a pas cette chance, elle est morte le jour de son treizième anniversaire et se retrouve en Enfer.
En Enfer, tu vois des océans de spermes gâchés par les masturbations des milliards d'hommes depuis des siècles, des collines de rognures d'ongles, des vallées de couches jetables usagés, des mares de vomis, des cages dégueulasses, des blattes et des verres brisés qui jonchent le sol.
En Enfer, les fonctionnaires sont tous les démons de toutes les religions de tous les pays qui y font office d'autorité. La monnaie d'échanges sont des friandises, tu peux acheter une information ou des faveurs grâce aux Toblerone, Mars, Snikers, fraises tagada et Milky Way (ça n'existe plus les Milky Way, heureusement on trouve encore des Nuts).
En Enfer, tu peux te faire bouffer de manière traumatisante par un démon et te régénérer dans la foulée.
En Enfer, le film le Patient Anglais est projeté en boucle.
En Enfer, tu peux être soit acteur porno dans des sites Web, soit faire du télémarketing au centre d'appel, pour joindre les vivants dans le but de les faire chier, durant les dîners de famille, ou les motiver à venir te rejoindre : l'Enfer ce n'est pas si éloigné de votre vie, mais vous n'êtes plus jamais seuls. Et des gens seuls parmi les vivants, il y'en a à la pelle.

« Satan, es-tu là ? C'est moi Madison. »

Madison, nous raconte sa vie, sa mort, son existence en Enfer, avec un ton tellement sarcastique que vous ne savez pas toujours si vous devez rire, pleurer ou être choquée. Sa mort d'ailleurs, pourrait faire office d'une oeuvre d'art performante représentative de notre société du 21ème siècle : si j'étais peintre, j'en ferais un tableau.
En apparence, Madison a la vie que beaucoup de jeunes filles de 13 ans rêverait d'avoir. Mais c'est Palahniuk qui écrit et l'être humain est moche chez Palahniuk, il ressemble à un poisson chauve-souris à lèvres rouges (dommage que je ne puisse pas vous insérer une photo) qui aurait copulé avec un rat-taupe nu. Ils veulent être beaux, riches et appréciés de tous. Ils veulent être immortels et physiquement magnifiques. Mais à l'intérieur, ils sont hypocrites, laids et mortellement ennuyeux. Seulement, la barrière entre le choix et la condition est si vaporeuse, qu'on ne peut pas tout le temps en vouloir à l'être humain. Tributaire d'une longue lignée de choix de merde, il faut être très courageux pour sortir de sa mochitude intérieure. « C'est à cause des bonnes petites filles obséquieuses dans mon genre que des salauds peuvent gouverner le monde : des über-traînées, des milliardaires écolos-bidons, des pacifiques hypocrites qui sniffent de la drogue et fument de l'herbe, finançant les cartels meurtriers et assurant de beaux jours à une pauvreté catastrophiques bananières où l'on crève la faim. » Quoi que nous fassions, nous participons de près ou de loin à ce grand génocide terrestre. Même si tout au fond de nous, nous ne voulons pas y adhérer, la société nous a rendu dépendant d'un système bien rôdé, que nous peinerons à le détruire sans y laisser beaucoup de cadavres. Comme dirait Madison, c'est hypocrite de râler lorsque nous arrivons en Enfer, nous y avons tous contribuer d'une manière ou d'une autre, à rendre le monde merdique, vivant ou mort. Et c'est pourquoi, je vais m'attacher aux personnages. Archer, Léonard, Patterson, Babette et Madison, le Breakfast Club de l'Enfer, me font penser à moi, à vous, à nous, tributaires d'un monde qu'on aurait préféré bien meilleur, mais tellement bien conditionnés pour en accepter un autre, aussi crasse soit-il. « Ma lâcheté autorise des atrocités ». Notre lâcheté. Mais également notre espoir d'un monde meilleur qui arrivera forcément un jour, « Mon plus gros souci, c'est encore l'espoir », comme si c'était l'évidence même, qu'un jour le monde sera meilleur, qu'il ne peut pas continuer ainsi, à regarder les gens mourir de faim et de froid dans la rue, les enfants se faire violer, les animaux se faire massacrer. Cet espoir et cette lâcheté, bien placé, pour que le monde finalement, se répète à l'infini, dans les inégalités…
Nous sommes tributaires du choix de merde des gouvernants depuis des siècles, condamnés à aller au front, comme Guignol dans Full Métal Jacket, personne n'a choisi. Mais il est vivant. Et Madison est morte.

L'avantage de la mort, c'est qu'on ne peut pas être plus mort que mort, qu'on ne peut pas être plus en Enfer qu'en Enfer. L'avantage d'être mort, c'est que les riches morts, les despotes morts, sont accrochés à leur ancienne vie de vivants. « Ta mort t'offre une opportunité en or. » C'est peut-être le bon moment pour foutre le bordel, ce que nous n'avons pas pu faire sur Terre… Parce que sérieusement, vous trouveriez cela JUSTE d'être en Enfer au côté de tous ses gouvernants et dictateurs qui ont fait, eux, le choix d'être des connards en soumettant le reste de l'humanité à la mochitude ? Non, je ne suis pas d'accord. Je suis peut-être lâche, limitée et addicte à l'espoir, mais je ne mérite pas de partager le reste de mon existence de morte éternelle avec Néron. N'est-ce pas Madison ? le punk Archer, anarchiste à l'épingle à nourrice sur la joue, sera de bons conseils…

Mention très spéciale :
1/ Au bottage de fesses jouissifs des grands noms de l'Histoire.
2/Au test du Salut dirigé par le Démon Pazuzu (oui celui-ci de l'Exorciste de Peter William Blatty ) qui m'a fait beaucoup rire.


Si vous cherchez une définition longue du sarcasme, je vous invite à lire Damnés. Et je pense, comme d'habitude avec Palahniuk, d'être passée à côté de tous les messages, toujours riches en réflexion, notamment un sur le sujet du suicide répété plusieurs fois dans le récit…


Commenter  J’apprécie          8019



Ont apprécié cette critique (80)voir plus




{* *}