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Critique de vibrelivre


Les filles comme nous /Brown girls 2022
Daphne Palasi Andreades
roman (premier)
traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Emmanuelle Aronson 2023
Les Escales, 214p


Les filles comme nous, ce sont les filles à la peau brune, de toutes origines que leurs prénoms indiquent plus ou moins, et qui vivent au fin fond du Queens, dans un quartier défavorisé de New York, où le soleil ne pénètre pas et où la nourriture est grasse. Les maisons hébergent des parents, des compatriotes, en attendant qu'ils s'installent. Les filles brunes forment un groupe fort, uni par de gros liens d'amitié, et uni à jamais.
On les voit ou on les entend grandir. D'abord les filles, ça obéit, c'est sage. Pas d'embrouilles à l'école. Dans les manuels scolaires, elles ne trouvent pas de personnages féminins auxquels s'identifier. Tout est nostalgie et frustration. Les garçons américains les regardent à peine. La beauté est synonyme de blancheur. Elles éprouvent la haine d'elles-mêmes.
Elles font des études secondaires, qui les écartent de leur milieu et de leurs parents, leurs pères sont déclassés, humiliés par leurs supérieurs, mais elles ont le sentiment de ne pas pouvoir s'intégrer quand elles sont avec des jeunes gens blanc chez leurs parents qui ont des domestiques à la peau brune et qui ont des préjugés sur leur pays d'origine.
Elles vont à l'université, près du quartier ou très loin de lui. Celles qui n'y vont pas mènent une vie misérable, celles qui y vont provoquent de la jalousie et elles ressentent de la pitié.
Elles trouvent un travail : infirmières, pas médecins, les études sont trop longues, trop chères ; dans l'art. Mais quel que soit le domaine, elles ne se sentent jamais à la hauteur.
Quand elles sont avec des Blancs, se pose la question de l'identité. Sont-elles blanches ? Qui sont-elles ? Elles ne peuvent quitter la pensée du Queens. de même, quand elles vont dans le pays de leurs parents, dont elles ne connaissent pas la langue, ne supportent pas la nourriture avec leur estomac de merde, elles se sentent à la fois du côté des colonisés avec qui elles n'ont pas de mots pour discuter, et des colonisateurs. Car Américaines, elles le sont, déjà par leur physique, elles sont autrement en chair que leurs cousines. A croire que partir est dans leur corps.
Dès leur plus jeune âge, elles ont été enjointes à être mères. Mais certaines sont homosexuelles. Comment annoncer cela ?
Elles meurent, mais l'âge venu, à la différence de leur amie qui n'a pas supporté son ascension, et est venue mourir d'une overdose dans son quartier d'enfance, et dont le souvenir accompagne toutes ces filles qui se demandent si elles auront la force, elles, d'aller où elles le veulent.
Leurs frères, eux, qui ne sont pas sages, sont dealers, sont en prison, ou se tournent vers la prière, et peinent à trouver la stabilité.
le livre se divise en sept parties, comme les sept âges de la vie. Il est mené tambour battant. C'est qu'il en faut de l'énergie pour accéder au rêve américain. le tempo ne baisse pas, les phrases sont courtes, et d'autant plus percutantes. Paragraphes et chapitres sont courts, les filles ont des choses à dire, ce qu'elles ont vécu, comment, les humiliations qu'elles ont eu à supporter, les souffrances pour elles qui écoutent leurs parents et doivent s'adapter au nouveau pays, et la multitude d'anecdotes, scandée par la périphrase « filles à la peau brune », nous fait entendre ce qu'on peut dire à des immigrés, sans y penser et sans penser au mal que ça peut leur faire.
C'est un livre original, dont la narratrice est multiple, ce qui permet d'embrasser plusieurs types d'adaptation à la vie américaine, et dont le rythme emporte comme le tourbillon de la vie, nous frappant au coeur par des histoires qu'on connaît et sur lesquelles l'indifférence ou l'éloignement est passé.
C'est un livre vivifiant.
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