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Critique de Baldrico


Au moment de refermer un livre, surtout s'il est d'une certaine dimension, les sentiments peuvent être mélangés. Ce fut mon cas au moment d'achever la lecture du Musée de l'innocence. J'ai en effet trouvé toute une partie de ce livre longue et complaisante. Et puis quand on finit un livre on est disponible pour d'autres découvertes.
Mais il reste ensuite une nostalgie d'avoir laissé les personnages avec lesquels on a passé un long moment: Kamel et Füsun, Tante Nesibe et Tarik Bey, Feridun, Zaim, Sibel, Mehmet et Nurcihan et tous les autres.
Ce qui m'a le moins touché dans le Musée de l'innocence, c'est le fétichisme des objets. C'est sûr qu'ils véhiculent nos souvenirs et nos émotions. Mais de là à ce qu'ils prennent le pas sur la vie et consolent de l'absence... Je dirais même plutôt que c'est l'inverse, qu'ils attisent la douleur, en empêchant l'oubli, une idée que l'on trouve aussi dans le Musée de l'innocence: le narrateur se complaît dans son désir malheureux.
En revanche, là où Pamuk excelle, c'est dans l'évocation d'Istanbul et la peinture d'une société hésitant entre tradition et modernité, comme la ville est partagée entre Orient et Occident. Les jeunes femmes veulent être modernes, mais la virginité avant le mariage est toujours une valeur. Les cinéastes veulent faire des "films d'art" à l'européenne, mais retombent immanquablement dans les romances dégoulinantes du cinéma turc conventionnel. le permis de conduire est une marque d'émancipation, pour les femmes notamment, mais il est très difficile de l'obtenir sans graisser la patte à l'examinateur. Et qu'est-ce qu'on picole! et on grille cigarette sur cigarette! Il faut dire qu'on est dans les années 1970 et 1980.
Un personnage supplémentaire et omniprésent est la ville elle-même, sa splendeur fanée, sa décrépitude, son expansion, sa modernisation (le Hilton!), sa nostalgie, son histoire, et la fascination qu'elle exerce. Et en effet, c'est une des villes les plus fascinantes qui soient et cela tient sans doute surtout au Bosphore, et à la circulation maritime: tankers, bâtiments militaires, barques de pêche, vapurs.
Et l'auteur sait inscrire dans tout cela une histoire d'amour, somme toute assez classique, malheureuse évidemment. Mais un amour véritable peut-il être tout-à-fait malheureux? En tout cas il transgresse les règles sociales, aussi bien les règles traditionnelles que celles de la modernité.
Et finalement le livre s'accapare le charme puissant de tous ces éléments. Et le charme perdure, y compris dans l'écriture de cette critique.
Ultime facétie, l'auteur brouille les pistes sur la différence entre le narrateur et lui-même. Orhan Bey apparait fugacement dans le récit et finit par prendre le relais de la narration après Kemal. Et l'historicité de l'histoire prend un autre relief. Car le Musée d' l'innocence existe bel et bien à çukurcuma, quartier d'Istanbul.
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