AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Allantvers


Il aime les couleurs l'ami Orhan, au point d'en faire des personnages centraux de ses romans : après l'écarlate et les pourpres de Mon nom est Rouge, voici que Dame Neige s'en vient nimber de sa blancheur mystérieuse cette étonnante poésie politique, genre original s'il en est! Fil blanc de l'histoire, tombant sans discontinuer en flocons cotonneux, elle emmène son lecteur et ses personnages dans un univers étrange qui semble fait de réalités, ou de rêveries, superposées : ainsi le poète enquêteur Ka, dès qu'il s'assied dans l'autocar, parait entamer un voyage vers un monde parallèle et entre dans la ville de Kars qui parait elle-même enfermée dans une boule à neige hors du temps.
De fait, quelles que soient leurs nombreuses interactions, Ka le poète amoureux et les habitants de ce microcosme de la Turquie moderne semblent vivent des réalités différentes : là où à Kars s'agite le bruit du monde et s'affrontent les courants contraires d'une poussée islamiste vigoureuse contre l'élan démocratique fatigué d'Ataturk, Ka n'ouvre ses chakras qu'aux poèmes qui tombent directement du ciel neigeux dans sa plume, et son coeur à la belle Ipek qu'il rêve d'emmener vers une vie nouvelle à Francfort.
Pourtant les poèmes que reçoit notre bel endormi ont capté l'air de ce temps suspendu, l'ont imbriqué dans la géométrie parfaite du flocon à l'essence même de Ka, citoyen turc déraciné à qui il ne restera plus qu'à en tirer une cosmogonie autant nationale que personnelle, sur les traces de laquelle l'auteur viendra lui-même s'inviter dans le roman.
La structure labyrinthique, la tonalité mélancolique et la tension furieuse de ce roman agissent comme un envoutement sur le lecteur qui ressort de ce roman en ayant la sensation de s'être promené dans un long poème qui n'a pas été dit : sensation prodigieuse et marque d'une grande oeuvre de la part d'un auteur qui n'a pas volé son Nobel.
Commenter  J’apprécie          352



Ont apprécié cette critique (34)voir plus




{* *}