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Critique de Marie-Nel


Je commence ma belle aventure de juré du Prix des lecteurs du Livre de Poche 2020 avec ce roman de Line Papin. J'avais vu cette photo en noir et blanc tourner sur les réseaux sociaux l'année dernière au moment de sa sortie en grand format aux éditions Stock. J'étais intriguée par cette couverture et le résumé me donnait envie de découvrir l'auteure et son histoire. le prix commence fort avec ce roman, qui n'est pas très long (à peu près 150 pages au format poche) mais très intense.

Line Papin raconte ici sa propre histoire, sa propre vie. Elle est d'origine vietnamienne, est née à Hanoï au milieu des années 90, à une époque où le Vietnam se relève enfin et peut vivre « normalement ». C'est un pays qui a été touché par deux guerres, et qui a eu beaucoup de mal à relever la tête, comme on peut se l'imaginer dans ces cas-là. On va ainsi faire la connaissance de la grand-mère et de la mère de l'auteure. Elle va nous raconter leurs conditions de vie dans un petit village avec tout ce qu'une guerre peut amener comme désastre, la faim, la maladie, les bombes, la mort. Et ces femmes vont survivre. Ba, la mère de Line, va ensuite s'installer à Hanoï où elle rencontrera celui qui sera son mari et père de ses enfants. Il est français. Ils vont vivre dix ans dans cette ville où ils habitent une maison proche des parents de Ba. Ils vivent tous ensemble, avec les parents et ses deux soeurs. Line va ainsi vivre dans une maison où les portes ne sont jamais fermées, où les cousins et cousines entrent et sortent comme elles veulent, où ils mangent tous par terre, où ils sont tous là les uns pour les autres. Les parents de Line vont quitter le Vietnam pour revenir en France, dans la famille de son père, en Touraine déjà, puis à Paris. Line vit très mal ce déménagement et cette nouvelle vie qui, on s'en doute, est totalement différente de celle qu'elle a connue jusqu'à maintenant. Il y a bien sûr en plus, le manque de son pays natal, de sa famille maternelle, et la façon de vivre en France est totalement différente. Ajouté à cela les problèmes que tous les adolescents peuvent rencontrer, on comprend vite les circonstances qui amènent Line à la maladie. Et nous, lecteurs, allons suivre Line dans sa lutte contre elle-même, dans sa guérison et dans son retour aux sources, dans un Hanoï complètement différent de celui qu'elle a connu pendant son enfance. On comprend le choc qu'elle a dû avoir à ce moment-là, les mentalités ont changé, Hanoï est devenue une ville comme les autres, avec son modernisme. Je n'ose imaginer les sentiments que cela a dû susciter chez la jeune femme. Déjà, moi, à ma petite échelle, quand je retourne sur les lieux de mon enfance, je suis choquée des différences qu'il peut y avoir. Ce qui est logique, car ce qu'on voit avec nos yeux d'adulte est bien différent de notre vision d'enfant. Alors, quand c'est en plus dans un pays tout neuf et enfin libre de ses actes, ce doit être encore plus déroutant.

Je me suis très vite attachée à Line et à sa famille. J'ai beaucoup aimé suivre sa grand-mère dans ce petit village vietnamien, la vie de sa mère et de ses soeurs enfants, puis adultes à Hanoï à une époque où tout se reconstruit. Avec ces deux générations de femmes, on voit l'évolution du pays, la différence de vie entre un village pendant la guerre et une ville en période de paix retrouvée.
Bien qu'il ne soit pas séparé distinctement en deux parties, on les ressent à la lecture. En effet, l'auteure nous parle déjà de ses aïeux, du Vietnam pendant une première moitié approximativement, puis ensuite, nous parle de sa vie à elle, de ses propres ressentis, de sa vie en France et de sa déchirure avec son pays natal. Ce livre est une belle fresque humaine, où les femmes ont la place principale. Ce qui m'a le plus frappée c'est que tout cela s'est passé il y a peu de temps. Line Papin pourrait être ma fille, elle est d'ailleurs née un an plus tard de ma dernière fille, et pourtant, tout ce qu'elle vit, toutes les avancées que son pays fait, paraissent tellement venir d'une autre époque alors que cela date de 25 ans...Ce décalage m'a vraiment choquée et intriguée. Pour la France, cette période de renaissance après-guerre remonte aux années 50, pour moi qui n'étais pas encore née, ça me semble très loin. Alors quand je vois une jeune femme de 25 ans expliquer sa vie dans son pays comme le notre il y a 75 ans, j'avoue que j'en ai été perturbée.

Tous ces éléments ont fait je pense beaucoup dans mon attachement pour l'auteure et sa famille. En plus, elle parle à la première personne du singulier, ce choix narratif est somme toute logique. Mais ce « je » permet un rapprochement avec le personnage principal qui est Line. Il permet de rentrer dans sa tête, se mettre dans sa peau et vivre au plus près d'elle, ressentir le moindre de ses sentiments au moment où elle les raconte. J'aime beaucoup ce procédé, je me sens ainsi très proche du personnage et je vis avec lui chacun des événements importants. Et ce que vivra Line est loin d'être facile.

Je dois dire que la lecture s'est faite rapidement, il faut dire aussi que le style fait que ça se lit facilement. Line Papin a réussi à m'entrainer dès le départ avec elle dans son récit, elle m'a pris par la main, et ne l'a lâchée qu'une fois la fin arrivée. J'ai passé un après-midi intense avec elle. le livre n'est pas très long, mais il n'avait pas besoin de plus de pages. Je pense que cela aurait été de trop, et aurait provoqué trop de répétitions. Là, c'est un condensé d'émotions diverses, j'ai vécu cette lecture intensément au rythme des événements de la famille de Line Papin. J'ai souvent été émue, aussi bien dans la joie que dans la peine. Mais d'un point de vue général, je trouve qu'il en ressort plein de positivité de cette lecture. Au milieu du livre, il y a un encart avec des photos de la famille de Line. Cela m'a permis de mettre des visages sur chacun des membres, que ce soit sa grand-mère, ses parents, ses tantes. J'ai pu ainsi visualiser chacun d'eux, à défaut de ne pouvoir le faire des lieux, vu que je ne connais pas ce pays. Il y a peu de descriptions de paysages, mais cela ne m'a pas manqué, j'ai de loin préféré celles que l'auteure a fait sur les personnages. La signification du titre « Les os des filles » est elle aussi très jolie.

Ce livre est une très belle découverte pour moi, une très bonne lecture, je ressors conquise par le style de cette auteure. J'ai vu qu'elle avait écrit deux autres romans, je pense qu'ils feront partie de futurs achats, j'aimerais beaucoup la lire à nouveau dans d'autres contextes. En tout cas, une chose est sûre, c'est que je vais la suivre de près dans ses futures publications. C'est ce que j'aime dans ce Prix des Lecteurs, faire des découvertes de romans vers lesquels je ne serai peut-être pas allée de moi-même en temps ordinaire. C'est très enrichissant et instructif.
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