Il faudra écrire et distribuer un petit manuel à l'usage des malades. Leur expliquer un peu comment fonctionnent les services. Leur apprendre que les infirmières ne sont pas à leur disposition, bien au contraire. Ce sont eux qui sont à leur disposition de ces dames et tout se paye. Ce ne sont pas des saintes, des mères pélicans, ce sont des fonctionnaires et des syndiquées.. D'abord l'après-midi, quand il y a réunion des délégués, vous pouvez sonner, tintin. Heureusement qu'il y a d'autres malades à demi-valides pour faire le service, donner le bassin, à boire, frictionner, refiler au page celui qui est tombé par terre, etc...
J'ai vu un de ceux-là, un cancéreux jaune, ratatiné, couvert d'escarres, dont la grimace de douleur contenue, de larmes refoulées, exprime toute la dignité de la souffrance quand il appelle sans prendre une voix suppliante. Il voudrait sa piqûre. Il est huit heures et quart. Je vais voir pourquoi Mme Loiseau ne se dérange pas. Je la trouve derrière la cloison EN TRAIN DE TRICOTER.
Je lui demande si elle n'entend pas, elle me répond : "Laissez-le gueuler, les soins ne commencent qu'à huit heures et demie !"