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Critique de Wyoming


Magnifique et émouvant témoignage exprimé par Nando Parrado suite au drame qu'il a vécu en 1972 au coeur des Andes après le crash de l'avion qui le transportait avec son équipe de rugby, de Montevideo vers Santiago, pour un match amical.

Au-delà de la narration de la survie coûte que coûte des jeunes rescapés du crash (16 seulement sur 45 passagers reviendront), Nando Parrado aborde plusieurs thèmes tels que l'isolement, l'amitié avec ses partenaires, l'amour de sa famille, l'imminence de la mort et le chagrin de voir toutes ces vies détruites à ses côtés, il livre au lecteur le plus profond de ses sentiments, avec un recul important puisque son récit est publié plus de trente années après l'accident.

D'abord, quelques pages sur le rugby qui a fédéré ces jeunes, créé leur esprit d'équipe, leur volonté, leur altruisme et des mots très forts pour faire partager leur passion d'un sport de héros. Ils l'ont découvert grâce aux Frères Chrétiens irlandais qui avaient élevé ce sport "au rang de discipline morale".

On a donc des garçons en pleine force de leur jeunesse qui vont en quelques secondes se retrouver dans l'univers hivernal hostile de la haute montagne qu'ils ne connaissent absolument pas, l'un d'entre eux n'ayant même jamais vu la neige. Ils sont en vêtements d'été, donc nullement équipés pour une survie à 3600 mètres d'altitude, même si le printemps arrive.

La force du récit de Nando Parrado réside à la fois dans la scrupuleuse narration des faits, depuis le crash jusqu'au sauvetage, et dans les sentiments qu'il partage avec ses amis et qu'il exprime en installant une émotion non complaisante et une admiration du lecteur pour leur volonté alors que leur destin ne pouvait paraître autre que la mort.

Celle-ci est inévitablement omniprésente dans le témoignage de Nando Parrado, avec en premier celle de ceux qui ont été tués lors du crash, comme sa mère, puis, quelques jours plus tard, sa jeune soeur et plusieurs de ses amis, mort violente sous l'avalanche qui envahit le fuselage des restes de l'avion où ils sont abrités, mort lente et douloureuse de ceux dont les blessures privées de soin ne laissent aucun espoir de survie.

Et puis, c'est un récit de la volonté, volonté partagée par ces jeunes qui ne peuvent se résigner à mourir, après qu'ils aient compris que les secours ne viendront pas car ils sont introuvables, présumés disparus et tous morts. Cette volonté formidable est exprimée par plusieurs d'entre eux, sans doute principalement par Nando et Roberto qui, à eux deux, parviendront à franchir un sommet à plus de 5300 mètres d'altitude, pour rejoindre, péniblement, au terme d'un incroyable calvaire dans lequel ils vont se soutenir sans relâche, les vallées qui les conduiront vers le salut et dans les bras des sauveteurs.

Ces deux jeunes réalisent un exploit sans précédent et, sans doute, sans qu'il soit réitéré par quiconque, en franchissant les montagnes sans le moindre équipement, sans connaissance en alpinisme, commettant donc des erreurs de choix, mais grimpant envers et contre tout dans la neige, la glace, sur la roche pour finalement atteindre l'objectif de vie.

Ils ont passé 72 jours isolés dans les Andes et ont accepté, pour se nourrir et survivre, de manger la chair de leur compagnons défunts. Ce fut une épreuve pour eux, épreuve nécessaire, condition sine qua non de survie, qu'ils ont pu affronter, en témoignant reconnaissance à leurs amis morts qui les ont ainsi sauvés. Pas de sensation dans la relation de ce que l'on ne saurait assimiler à du vrai cannibalisme, mais à un cannibalisme de survie, à choisir entre la mort par la faim.

Le récit de Nando Parrado est aussi marqué par des réflexions métaphysiques au fil des échanges entre les jeunes sur la religion, la foi, Dieu que certains implorent chaque jour, croient au salut qu'il peut leur apporter tout en s'interrogeant sur la destinée hasardeuse de ceux d'entre eux qui ont péri. L'auteur explique à la fin du livre sa propre croyance, sans doute pas au Dieu des Frères Chrétiens, mais à sa propre représentation divine qu'il a ressentie dans les montagnes.

Les dernières pages du livre sont consacrées à l'après, à la reconstruction de ces jeunes qui ont retrouvé leurs familles, aux détails de ce qu'il est advenu de chacun d'eux, à leurs retrouvailles annuelles chaque 22 décembre, jour du sauvetage, à leur amitié qui a perduré, soudés qu'ils ont été dans cette terrible épreuve.

Enfin, il termine par l'amour de la vie et de ses proches qu'il éprouve de manière beaucoup plus intense, après un tel vécu, il le fait partager au lecteur avec émotion et sincérité, lui conseille de jouir de chaque respiration et de savourer chaque jour de la vie.

Son livre porte un message très fort, un témoignage indicible -- d'ailleurs il n'a pu en parler pendant plusieurs années -- et un hymne à la vie ainsi que, chose incroyable en ces circonstances, un hommage aux beautés de la montagne.



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