Peu avant 1900, chaque jour apportait son lot de nouveautés et les gens rêvaient à notre monde.
Ils rêvaient de nous.
En ouvrant les yeux, je vis un ciel bleu immense et de nombreux arbres vêtus de givre.Des centaines d'épingles qui volaient au moindre souffle.
L'air m'étouffait. J'étais couché sur le dos.Je plongeai mon regard dans le ciel, avec l'étonnement d'un citadin. Soudain, j'entendis un bruit pareil à de l'eau qui coule d'un robinet. Cela venait de ma droite, tout près. Je tournai la tête sans la lever et j'eus peine à le croire. Aucun doute: près de moi, un cheval avait lâché un jet d'urine puissant, une véritable colonne.La vapeur s' enroulait autour de la colonne.Cela semblait ne devoir jamais finir et en bas, dans la neige , un trou profond s' était creusé. Le cheval était attelé à un traîneau chargé de gros blocs de glace et de quelques bûches.
Tout était calme, comme figé: la blancheur des alentours, le soleil, un silence comme jamais je n'en avais entendu-- car on entend aussi les silences.L'animal plongea ses naseaux dans un sac accroché à son cou et se mit à mastiquer. Sa queue était nouée en un énorme noeud brillant.
Moi, je crois que la Roumanie ressemble à un orchestre qui n'a pas encore donné son concert et ne cesse de répéter : un violoniste grince, le soliste rate parfois son entrée, les cuivres font des couacs ou bien le chef d'orchestre se met en colère, il arrête la musique et s'en prend à tout le monde, en bloc ; tout est fragmentaire et toujours repris da capo, mais lors du concert proprement dit la mélodie s'enchaînera sans défaut et les applaudissements de l'Europe...