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Critique de Tempsdelecture


L'autrice a déjà été honorée en France par L'Obs, Libération ou le Monde, lesquels ont rendu hommage à sa place d'écrivaine de l'ère post communiste, se nourrissant à la fois de ses souvenirs d'enfance en Pologne (qu'elle a quitté à 13 ans) et de sa vie actuelle en Allemagne.


Le Prince : on aurait pu se croire chez Machiavel, compte tenu de la personnalité du susnommé, on n'en est pas très loin. le président de la police de Berlin, Tschapieski, se retrouve à enquêter sur des prêtres retrouvés crucifiés dans des églises : mais l'enquête va prendre une autre dimension dès lors que la journaliste Dagmara Bosch découvre, sous ces faits divers, et d'autres évènements notables, tel l'incendie impromptu d'un lotissement ordinaire, un problème d'une ampleur qui dépasse largement les colonnes de ces faits divers. Un complot, via une armée secrète, qui vise à renverser le gouvernement actuel et à restaurer en Etats indépendants, la Saxe, la Bavière, ce que sont aujourd'hui les Länder allemands. Les deux enquêteurs, officiel et officieux, Tschapieski et Dagmara Bosch, vont se rendent compte des dynamiques qui dans l'ombre la plus totale tentent d'influencer le peuple allemand, des acteurs de sa politique qui, hors de tout sentier tracé, s'acharnent soit à maintenir son équilibre, soit à l'inverse ceux qui cherchent à la déstabiliser. On pénètre au plus près des grands décisionnaires allemands, au plus près de la chancelière, qui a de grands airs d'Angela Merkel, en premier lieu.

Ce thriller politique palpitant, un vrai page-turner, se base sur une réalité, qui découle des archives des services secrets allemands en 2014 par der Spiegel, l'hebdomadaire allemand, dévoilant qu'une armée secrète s'était montée après-guerre, au nez et à la barbe du gouvernement allemand et des alliés. Une armée composée d'officiers de la Wehrmacht, mais aussi d'anciens SS, prête à réunir 40 000 hommes, le tout sous la coupe d' Albert Schnez, ancien colonel nazi. Cette armée aurait disparu en 1955 avec la création de la Bundeswehr. On retrouve la figure romancée de Albert Schnez derrière celle de Wilhelm von Hessler, père, entre autres, de Christian Emde qui occupe ici le poste de ministre de la Défense. Derrière ce fait historique dévoilé depuis près de dix années maintenant, puis près de dix années maintenant, Magdalena Parys a quant à elle maintenu cette armée effective en brodant un complot qui se nourrit des nationalismes actuels, dont l'Allemagne, état fédéral, n'est pas exempte.

Des thrillers politiques, j'en ai bien plus visionnés – par le biais de séries diverses et variées – que j'en ai lues, mais le mélange enquête criminelle/politique est plaisant d'autant qu'il s'appuie sur une page d'histoire qui m'intéresse et sur une situation actuelle très sensible: il établit un fil rouge entre la fin de la Seconde Guerre mondiale, et la disparition du nazisme, à la situation actuelle des pays européens dont l'Allemagne marquée par la résurgence de cet esprit xénophobe et antisémite, dont on a cru le sort réglé avec Nuremberg, et l'oubli que le temps a entrainé inévitablement. Il y a ici ce côté très addictif, apporté par le personnage de ce mystérieux Blond, Paul, qui coach Tschapieski, l'homme d'action qui gère les situations en sous-main directement en lien et en subordination de la chancelière : le plus parfait des agents secrets, un James bond germanique, qui baroude sur tous les terrains, qui manipule, espionne, jauge et se bat. Un tacticien hors pair.

On pourrait croire que les ficelles sont un peu grosses ou que ce qui se fait au cinéma ou en série manquerait de cohérence dans un livre, pourtant cette armée dématérialisée a bien existé un temps. Et l'année dernière, un projet d'attentat, de la part de l'extrême droite et visant les institutions allemandes, a bien été déjoué ! S'ils ont réussi à bâtir cela en totale liberté, avec un Chancelier allemand tout à fait au courant du fait, on peut se demander jusqu'ou ils ont pu aller vu la volonté de dissimuler tous ces éléments. La volonté de l'autrice a visiblement été de faire un roman alerte et rythmé, les différents chapitres sont divisés en tranches horaires précises, ils se succèdent (14 mai puis 15 mai) et sont entrecoupés de flash-back pour restituer les origines de ce fameux Prince. Il est question de groupuscules, de partis politiques, d'une armée, mais c'est avant tout l'histoire d'une famille, du père et d'une lignée, celle du Prince.

Comment devenir un prince ? C'est l'obtention du pouvoir à laquelle on assiste ici, du moins les grandes tentatives : embrouiller, déstabiliser, mentir, propager, attiser, toutes les bonnes vieilles méthodes de manipulation, comme chez Machiavel, tout est évidemment de dénuer de moral pourvu que les résultats soient là. Un Prince directement inspiré par l'auteur et le partisan nationaliste italien Gabriele d'Annunzio, celui-là même qui s'empare de Rijeka/Fiume pour y fonder son propre état libre et indépendant. Ce roman se révèle étrangement prophétique de l'équilibre très précaire d'une nation, qui ploie elle aussi sous les tensions nationalistes. Lesquelles se refont un nouveau visage, et ont repris une force nouvelle, peut-être à cause de cet écho qu'ils perçoivent chez leurs voisins rongés par les mêmes maux.
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