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Critique de Milllie


Anthony Passeron a écrit ce roman comme une enquête. Une enquête sur cet oncle Désiré qu'il n'a pas connu et dont ses parents ne lui ont quasiment jamais parlé. Cet oncle dont la seule trace semble être quelques photos fugitives et une ou deux apparitions sur de vieux films en Super8. Pourquoi donc la mémoire familiale l'a-t-elle ainsi éliminé ? Et comment peut-on disparaître ainsi des souvenirs et des mémoires ?

Les enfants endormis est un roman qui sonne juste dès les premières pages. L'auteur a l'art des phrases qui frappent, qui en si peu de mots nous interrogent, nous font vivre une situation avec l'impression d'y avoir été ou nous émeuvent aux larmes. J'ai eu l'impression de plonger dans ce roman la tête la première, à peine un chapitre et j'étais déjà conquise et avais envie de lire la suite. Cela fait du bien des livres qui se lisent tout seul comme celui-ci, des livres dont on tourne les pages avec un plaisir renouvelé à chaque ligne, des livres qui nous font ressentir, nous embarquent, nous bouleversent.

Dans les enfants endormis, on suit donc la quête de l'auteur, d'abord enfant puis adulte à la recherche de l'histoire de son oncle Désiré dont il reconstitue fidèlement la courte vie. Enfant chéri d'une famille de commerçants de l'arrière pays niçois qui sont devenus des notables du village dont ils tiennent la boucherie, qui se sont construits petit à petit de génération en génération par le travail, Désiré a été le premier à descendre à la ville faire des études, celui qu'on admirait, celui à qui on passait tout, qui n'a jamais été forcé de travailler à la boucherie ou de parcourir les routes pour aller chercher les bêtes chez les éleveurs. Mais Désiré a aussi été celui qui était avide de sensations nouvelles, qui quitta le village vu comme un monde à lui seul pour découvrir le monde, le vrai, et aller jusqu'à Amsterdam, qui voulut tout essayer, vivre, faire des expériences quitte à y brûler sa jeunesse. Et en début d'années 80 où la vilaine bête appelée SIDA émergeait tout juste, sa consommation d'héroïne et le partage des seringues lui fut fatal. C'est une histoire si belle et pourtant si banale, celle de ces 2 frères, le père de l'auteur et Désiré, l'un bosseur, fidèle à ses parents, faisant toujours ce qu'on attend de lui, et l'autre solaire, affranchi de toute contrainte. Ces 2 frères qui ne se comprennent pas toujours mais qui pourtant s'aiment et cette mère bouleversante, qui ne voulut jamais reconnaître les problèmes puis la maladie de son fils et qui pourtant fit tout ce qu'elle pouvait pour le sauver.

En parallèle de cette histoire toute simple et qui pourtant semble si universelles (combien de contaminations faute d'information et de prévention, combien de jeunes vies fauchées en ces débuts de la maladie puis pendant cette terrible épidémie), l'auteur entrecroise le récit de la découverte du virus du SIDA et de la course contre la montre que fut la mise au point d'un traitement même rudimentaire. On a beau connaître déjà une bonne partie de cette histoire, cela se lit comme un thriller, encore une fois l'auteur a l'art de nous emporter avec lui et de nous faire partager la vie de ces médecins qui les premiers sentirent que quelque chose de bizarre se préparait et firent tout leur possible pour faire progresser la recherche.

Les enfants endormis est un roman difficile à classer, la somme de tous ces éléments, saga familiale, chronique d'un petit village, témoignage sur une époque où "les enfants endormis" se multipliaient dans les rues du village (je vous laisse la surprise de découvrir la signification de ce magnifique titre), histoire d'une ascension sociale, épopée de la recherche scientifique. C'est sans doute ces multiples pistes suivies par l'auteur qui font le charme de ce livre et qui le rendent impossible à lâcher. A l'heure où le COVID19 semble avoir mis dans l'ombre l'épidémie de SIDA qui pourtant continue, c'est aussi un témoignage utile et nécessaire, pour se rappeler d'une époque et des événements passés. Un grand livre, un beau livre, une découverte à ne pas rater !

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