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Critique de Cannetille


Enfant, Anthony Passeron a vu mourir du sida son oncle, sa tante et sa cousine, née séropositive. Depuis, cela fait plus de trente ans que sa famille vit repliée dans le silence du déni et de la honte. Alors, décidé à mettre des mots sur ces vies pour les rendre à la lumière, il entreprend de reconstituer leur histoire, entremêlant son récit d'une rétrospective, soigneusement documentée, du combat des chercheurs pour identifier, puis vaincre le virus.


« Les archives familiales ont censuré la fin de sa vie. Tout ce qui se dirait désormais, c'est qu'il est mort un matin d'avril 1987 d'une embolie pulmonaire. » Désiré, l'oncle de l'auteur, était le fils aîné d'un couple de petits commerçants, enrichis à la force du poignet et devenus les notables d'un village de l'arrière-pays niçois. Lui qui aimait la fête et les copains goûta à l'héroïne lors d'un voyage à Amsterdam. Ce fut le début d'une addiction dont le jeune homme ne put jamais se défaire, et qui, en ces années quatre-vingts où l'usage des seringues ne faisait l'objet d'aucune précaution, devait précéder l'apparition d'étranges symptômes, alors inexplicables. Leur fils ayant rejoint les rangs de ces « enfants endormis » retrouvés défoncés au petit matin dans la rue, les parents déjà frappés de stupeur par ce qui signifiait pour eux une incompréhensible et honteuse déchéance, resteraient à jamais stigmatisés, par-delà le chagrin, par la marque d'infamie portée à cette époque par le sida, et tenteraient longtemps de se réfugier dans le déni et dans la préservation des apparences.


Alors qu'à la souffrance et au désarroi des malades, pestiférés suspendus aux tâtonnements de la recherche, répond la détresse de leurs proches – combative, taiseuse ou colérique, terrorisée chez l'auteur enfant – face à l'atroce avancée de la maladie et de la mort, rien mieux que l'histoire de cette famille meurtrie dans sa chair ne pouvait souligner les terribles enjeux de l'interminable course contre la montre livrée par les chercheurs. Depuis plus de quarante ans que l'on a pris conscience de son existence, le virus du sida a tué plus de 36 millions de personnes. La narration qui, en parallèle du récit familial, suit les espoirs, les impasses et les rivalités qui jalonnent les progrès de la recherche contre le sida, est aussi un hommage à la ténacité des hommes et des femmes engagés dans ce combat longtemps déconsidéré, souvent décourageant, mais qui suscite ces mots bouleversants : « ‘'Merci.'' La jeune femme est déconcertée : ‘'Mais pourquoi ? On n'a pas réussi à vous sauver.‘' Les yeux mi-clos, entre deux mondes, le moribond trouve encore la force de répondre : ''Pas pour moi. Pour les autres.'' »


Un très beau livre, sensible et touchant, qui restitue parole et dignité à tous ces malades morts en parias et à leurs proches traumatisés par l'infamie d'une maladie longtemps jugée honteuse. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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