AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de enjie77


Je suis tombée très jeune sous le charme de Tolstoï à la lecture d'« Anna Karénine » et de ses oeuvres principales puis ce fut la découverte de l'univers de Dostoïevski, plus déprimant, ensuite les vers merveilleux de Pouchkine , jusqu'à cette année, la découverte de la sublime plume d'Ivan Bounine. Leur écriture me transporte, je suis comme un ectoplasme, je disparais dans leur roman. La Russie ou leur écriture m'envoûte, me fascine. Aussi ai-je décidé de combler ma méconnaissance des auteurs russes en glissant de temps à autre dans mes intentions livresques, l'oeuvre d'un grand romancier russe.

Mon choix s'est porté sur l'oeuvre de Boris Pasternak, « le docteur Jivago, » dont je n'ai pas vu l'adaptation au cinéma de David Lean, mais dont l'inoubliable musique de Maurice Jarre résonne toujours dans ma tête comme je conserve l'image de l'affiche avec le bel Omar Sharif.

Bref, je suis partie avec l'idée préconçue que j'allais savourer une belle histoire à la mode Tolstoï. Que nenni ! La magie n'a pas opéré faute à "préconçue".

C'est une oeuvre politico-historique et philosophique avec en pointillé, une histoire d'amour impossible qui n'est pas le sujet essentiel mais qui sert à illustrer la société civile de l'époque et ses moeurs ainsi que les difficultés de l'individu à trouver une once de bonheur alors que tout est pulvérisé autour de lui.

Boris Pasternak nous dépeint une extraordinaire saga à travers l'histoire de son pays, de très beaux paysages, leur immensité, leur impressionnant hiver, et une palette d'existences individuelles d'hommes et de femmes.

Né en 1890 à Moscou, dans une famille juive, il quittera ce monde, dans la misère, en 1960. Il nous lègue une oeuvre littéraire qui balaie l'histoire de la grande Russie tsariste qui après s'être épuisée dans la guerre contre le Japon en 1905, connaîtra ensuite l'enlisement dans la première guerre mondiale, puis la guerre civile, jusqu'à l'avènement de la dictature communiste.

Il imagine un personnage romanesque, Iouri Andréiévitch, « le Docteur JIVAGO », qui lui ressemble un peu j'imagine. Un être enthousiasmé, au début, par les idées révolutionnaires mais d'une telle humanité qu'il ne peut adhérer totalement à ces idées tant sa désillusion est au rendez-vous. La destinée de ce médecin sera hors du commun, dramatique. Il sera projeté avec sa famille ainsi que Larissa Fiodorovna Antipova « Lara », à l'image d'un fétu de paille, dans les tourments de l'histoire de la Russie et tous ses bouleversements.

Il fallait bien une telle oeuvre pour laisser à la postérité cette fresque qui se veut un témoignage du quotidien des russes dont la vie ne valait pas grand-chose à cette époque. Tous les personnages de ce roman représentent un concentré de toutes les tonalités de l'époque. le lecteur assiste impuissant à l'éclatement d'une société « où l'homme devient un loup pour l'homme ». Atrocités, barbarie, fanatisme, famine, épidémie, arbitraire, c'est un instantané d'une période sanguinaire qu'il est heureux de ne pas vivre mais qu'il est important de connaître.

Ce roman a été publié pour la première fois, en 1957, par les éditions italiennes Feltrinelli pour éviter la censure soviétique. Les autorités soviétiques voient les écrits de Pasternak comme "en dehors de la réalité socialiste". Il est censuré par Staline. Il se verra obligé de refuser le Prix Nobel de littérature sous la pression des autorités soviétiques qui menacent ce dernier de lui interdire son retour en URSS s'il se rend à Stockholm.

Ce roman sera publié en Russie en 1985, auparavant il circulera sous le manteau : le lire étant considéré comme acte de résistance au régime soviétique.

Très attaché à sa Russie natale, il y restera envers et contre tout même au risque du goulag.

Son expérience empirique de cette période lui fera dire au Docteur Jivago page 210

« C'était la guerre, son sang et ses horreurs, son désarroi et sa sauvagerie. C'étaient les épreuves et la sagesse concrète qu'elles avaient enseignée. C'étaient les villes perdues de province où le hasard l'avait égaré, et les hommes qu'il lui avait fait coudoyer. C'était la révolution, non pas la révolution idéalisée à l'étudiante comme en 1905 mais la révolution présente, sanglante, la révolution militaire qui faisait fi de tout et que dirigeaient les bolchevicks seuls à saisir le sens de cette tempête. »

Ou encore page 478 :

« le docteur pensa au dernier automne : l'exécution des mutins, le meurtre de la femme et des enfants de Palykh, les massacres sanglants, cette boucherie dont on ne prévoyait pas la fin. Les Blancs et les Rouges rivalisaient alors de cruauté par un jeu de représailles, de surenchère, leurs atrocités ne cessaient de croître. On avait la nausée du sang. Il refluait à la gorge, montait à la tête, vous noyait les yeux. Et Livéri appelait ca « se lamenter ».


J'ai lu l'édition Folio où il est juste indiqué « traduit du russe » sans l'indication du traducteur. J'ai ainsi relevé quelques erreurs qui m'ont dérangée, certaines phrases n'ayant aucun sens. J'y ai aussi trouvé quelques longueurs mais c'est néanmoins, une oeuvre essentielle et remarquable.

Il est à noter qu'en début de cette édition figure la liste de tous les personnages du roman tant ils sont nombreux et où le lecteur se perd un peu entre le nom et les diminutifs et leur histoire individuelle.

Commenter  J’apprécie          7614



Ont apprécié cette critique (63)voir plus




{* *}