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Critique de ay_guadalquivir


Lettre à Alan Paton
Avant d'écrire ces quelques lignes, je feuillette à nouveau l'exemplaire de « Pleure ô pays bien aimé » dont je ne me sépare jamais lorsque je suis en voyage. Je profite donc d'une escale rapide au coeur de l'Afrique pour m'adresser à vous. Une simple édition française du Livre de poche, mais un compagnon fidèle pour tous ces instants où le voyage éprouve la solitude et le rapport au monde. Pour tous ces moments où l'on ne comprend pas vraiment ce qu'on fait là, où le voyage devient l'épreuve du temps plutôt que celle de l'espace. J'ai acheté ce livre il y a bien longtemps, à une époque où je m'intéressais à la situation en Afrique du Sud, dans les années quatre-vingt. Depuis, j'ai l'impression de l'avoir lu des milliers de fois. Alors, je me dis que c'est bien le lieu, en cet endroit où l'Afrique parle à l'européen en creux, pour vous adresser ma reconnaissance. Je ne trouve pas de mot plus juste pour qualifier ce compagnonnage discret avec votre oeuvre. Souvent jeté dans la valise à la dernière minute, parfois sans en sortir de toute la durée du voyage, mais toujours là à portée de main. Je me rappelle mon premier atterrissage à Dakar, Pleure ô pays bien aimé en main. Je me rappelle la traversée du Maroc en taxi collectif, ce même livre bientôt usé dans la poche. Je crois que je n'aurais pu aimer l'Afrique autant sans ce livre. J'en ai bien sûr lu des dizaines depuis, mais le vôtre fut le premier, d'une intensité restée vivace à mon esprit. L'ouverture sur les reliefs du Karoo et la nature qui joue son rôle. Quiconque a posé le pied en Afrique sait que le premier choc vient de la nature, omniprésente. J'ai retrouvé plus tard, dans la nuit africaine, cette sensation de petitesse dans la nature, et souvent pensé alors à votre livre. L'histoire de l'Afrique du Sud est aussi une histoire de conquête de la nature. Votre magnifique roman présente l'histoire tragique d'un homme simple dans un monde qui change, qu'il ne comprend pas. Que faut-il avoir éprouvé de la marche du temps pour comprendre qu'un monde s'éteint ? A la relecture – multiple, il m'a semblé que la politique de votre pays n'y était pas si présente. J'y lis toujours ce monde changeant, opposé – rural/urbain, ancien/moderne, noir/blanc, à l'image de la société sud-africaine d'alors. le temps de la nature contre celui de l'homme. Au moment où vous écriviez ce livre, le gouvernement Malan organisait la séparation des Blancs et des Noirs, l'apartheid venait de naître. C'est une société dure que vous décriviez, dure plus encore pour les Noirs. Mais ce n'est pas un texte contre l'organisation de la société sud-africaine, c'est un texte qui veut comprendre le sens tragique que tout cela prend. Les peines et les douleurs n'y sont épargnées à personne. Mais surtout, j'y lis à chaque fois un cri d'amour pour l'Afrique, bien qu'assorti de grande tristesse. J'avoue que je suis tenté, le plus souvent, de ne retenir que le cri d'amour, pour laisser de côté le désespoir. Et c'est bien là le drame de l'Afrique, aujourd'hui encore : se trouver bouleversé par la force de cette terre, et oublier ses déchirures. Plus que jamais au moment d'écrire ces lignes, l'Afrique saigne des maux que vous décriviez alors. Aimez l'Afrique pourtant.
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