Il avait trente-cinq ou quarante ans, un cuir noir, le crâne nu, un de ces tatouages maoris à la con sur le cou et une chemise ouverte sur une Amazonie de poils bruns. Dans ce bar ou s'échouaient pas mal d'épaves, il se prenait un peu pour le roi du monde...
Je reste et je m'emmerde.
Je reste et je gamberge.
Je reste et je me hais.
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Et maintenant, je me tire.
Royan n'a pas changé. Royan reste Royan, avec ses immeubles à retraités, ses ronds-points fleuris qui plaisent tant aux retraités, sa plage réensablée chaque année pour le plus grand bonheur des retraités, ses innombrables pharmacies à retraités, ses magasins de déco qui occupent tant les retraités, ses banques où les retraités mettent leur pognon, ses hypermarchés où traînent les retraités, ses restos typiques, standardisés et si chers pour piquer le maximum de blé aux retraités et ses maisons de la presse où les retraités viennent acheter leur journal de retraité. Non, Royan n'a pas changé : une ville de retraités bouffée par la promotion immobilière et l'allongement de la durée de la vie.
Mon corps devient comme une banquise qui recouvre la lave brûlante et débordante et liquide et acide qui me bouffe tout à l’intérieur. Et je reste ainsi, debout et effondré, de longues minutes pendant qu’elles poursuivent leur vie comme si je n’existais pas.
Un roman puissant, noir ébène, percutant, puissant ; une rafale à couper le souffle, un style tranchant, profondément original, étonnant.
David Patsouris kidnappe le lecteur et l'emmène au plus profond du désespoir de Charly le dingue, de sa souffrance, de ses paradoxes d'homme meurtri par le dégoût de lui-même.
Charly, pantin, esclave, chien d'un décideur, à la botte d'un manipulateur sans foi ni loi qui le paye pour éliminer les gêneurs.
Je n’existe pas. Je me tire. J’ai fait ce que j’avais à faire. Face à moi, maintenant, il n’y a plus que du néant et de la souffrance.
Le héros, hanté par ses victimes, ses regrets d"homme mauvais", sa cruauté, peut fondre en larmes devant une fillette...
Merci à l'ami qui m'a conseillé ce roman, cette perle rare.
Le problème, avec ces gens-là, c’est qu’ils pensent toujours qu’ils vont finir par s’en tirer. Que le monde est à eux. Ou qu’il sera bientôt à eux. Ils ont beau avoir une trouille à en chier dans leur froc, ils l’oublient dès le lendemain et repartent à la guerre comme s’ils commandaient l’armée depuis des siècles et pour des siècles et des siècles. Le problème, avec ces gens-là, c’est qu’ils ne savent pas qu’ils sont mortels. Le problème, avec ces gens-là, c’est qu’ils ne croient pas à leur propre mort.
Septembre a fait fuir les vivants. Ici, il ne reste que les humains en sursis, ceux qui vont bientôt mourir, demain ou dans un an, les ridés et les courbés, les arthrosés de partout et les troués de la tête. Dans la rue, leurs pas sont cardiaques, et leurs mouvements puent le cancer. Des existences de papier mouillé, qui se déchirent chaque jour un peu plus, qui ne tiennent presque plus, malgré les bermudas en couleur et la crème solaire. Ça pue la mort et la fin.
Et puis, j’ai du mal à saisir le sens du mot compassion. Je vois bien ce qu’il veut dire, mais rien à faire, je n’arrive pas à le prononcer ni même à l’intégrer. Je sais ce qu’ils cherchent. Ils veulent de la compassion oui, mais pas seulement. Ils veulent mes remords avant de me pardonner. Ils veulent que je m’agenouille en pleurant. Ils ne veulent pas de mes cauchemars, de mes angoisses ou de mes tourments.
Je suis un tueur qui ne tue plus.
Je suis un tueur qui ne sait pas s’il pourra, un jour, tuer à nouveau.
Je suis un tueur qui a dû renoncer à tuer.
Mais je reste, à jamais, un tueur.
« Je n’aime pas les justes, ceux qui ne sont jamais tombés,qui n’ont jamais fait un écart. Leur vertu est morte,elle a peu de prix. La beauté de la vie n’a pas été révélée à ceux-là. »
Boris Pasternak