Il n'y a pas pire prison que celle nichée à l'intérieur de votre tête.
On voulait brûler vite, tout faire partir en flammes. Pour nous, c'était déjà trop tard. Impossible de changer la trajectoire. Même s'il fallait payer le prix fort. Aucun de nous ne voulait ressembler à ces ombres grises qui partent travailler avant l'aube et qui reviennent harassées le soir pour s'affaler sur des matelas sans âge, ou ces autres qui errent toute la journée dans les ruelles ou dans les troquets alentours. À la fleur de l'âge, j'étais déjà mon propre ennemi. Je ne savais pas qu'un jour, je deviendrais un ennemi public.
Car en prison, dès qu'on rentre, il y a ce parfum qui vous saute à la gueule, ce mélange de détergent bon marché et de sueur d'hommes.
Et ces longs couloirs qui résonnent des cris des autres gars comme vous, des chaussures des gardiens, des clefs dans les serrures, des bips sonores...
Le bruit et l'odeur comme dirait l'autre.
Une fois que vous les avez connus, ils restent à vie incrustés dans le crâne.
Et pourtant la prison, elle va vous couper en morceaux, vous tronçonner, vous désintégrer.
Puis elle va vous mâcher lentement. Elle va prendre son temps. Elle n'a que ça pour elle, d'ailleurs, la prison. Le temps.
Elle ne veut pas vous mettre debout. Elle n'essaiera même pas d'ailleurs...
Tout ce qu'elle veut, c'est vous dresser.
Comme on fait avec les chiens fous.
Pourquoi mettre des noms de grands auteurs dans ces cités où la culture n'entre jamais? Personne ne les a lus. Personne ne les lira jamais.
Aucun de nous ne voulait ressembler à ces ombres grises qui partent travailler avant l'aube et qui reviennent harassées le soir pour s'affaler sur des matelas sans âge, ou ces autres qui errent toute la journée dans les ruelles ou dans les troquets alentours.
À la fleur de l'âge, j'étais déjà mon propre ennemi. Je ne savais pas qu'un jour, je deviendrais un ennemi public.
[...] les promesses ne sont bonnes que pour ceux qui les entendent.
Aujourd'hui, on regarde les favelas de Rio, les bidonvilles de Delhi à la télé. À cette époque (1972), il suffisait de sortir de Paris et de sauter le périphérique pour trouver la misère.
Dans ce fatras de planches et de tôles, il y avait des Algériens venus reconstruire la France, des Espagnols, des Portugais fuyant la dictature et la misère, des Gitans rejetés de partout.
[...]
Bientôt, il y aurait des Africains, des Asiatiques venus par bateaux.
[...]
Le nouveau visage de la France...
Celui que personne ne veut voir.
Un mur peut se sauter, mais comment s'évader de soi ?
-Salut Karim, tu viens à la salle ce matin? Il y a la prêche de l'imam.
-Ben... je ne sais pas...
-Comment ça? Tu n'as pas envie d'être un bon musulman et d'écouter la parole du prophète?!? Tu préfères jouer au foot ou t'abrutir devant un de ces jeux vidéos américains? Je te laisse... En espérant te retrouver tout à l'heure...
-Je n'aime pas qu'on me dise comment vivre ma religion... Tout ça parce que je m'appelle Karim! Y'a des fois je préférerais m'appelais François...