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Critique de Rodin_Marcel


Pavičić Jurica (1965-) – "L'eau rouge" – Agullo, 2020 (ISBN 979-10-95718-77-2)
– traduit du croate par Olivier Lannuzel – format 20x14cm, 364p.

Un très beau roman de l'absence.
En septembre 1989, Silva, dix-sept ans, disparaît sans laisser aucune trace : a-t-elle été assassinée, est-elle partie arpenter le vaste monde ?
Cette soudaine disparition se produit en Croatie, au moment où l'ancienne Yougoslavie "socialiste" s'effondre dans une explosion de guerres, avec leurs cohortes d'horreurs, d'atrocités, de massacres.

Le récit couvre une longue période, commençant en 1989, se terminant en 2017. La décomposition de la fédération yougoslave est certainement un évènement majeur lorsque l'on s'intéresse à L Histoire avec un grand H, mais il ne s'agit "que" de l'histoire immédiate : les pays issus de l'éclatement – parmi lesquels la Croatie – s'alignent plus ou moins bien sur le modèle occidental, qui faisait tant rêver les citoyens au-delà "du rideau de fer" (voir le tableau effarant dressé pp. 210-211). Sur le fond, les changements semblent bien superficiels, les rouages de l'Etat ne connaissent guère de changements (p. 290).

L'auteur intègre finement, intelligemment, ces "macro-évènements" dans la trame de son roman, dont le coeur est ailleurs : dans le cercle des gens concernés par la disparition de Silva (sa famille, les amies et amis du lycée, les villageois, les policiers en charge de l'enquête), ce "micro-évènement" reste au premier plan.

C'est là que réside l'art de l'auteur, qui montre à quel point les "macro-évènements" peuvent certes modifier la vie d'une population, mais aussi à quel point un micro-évènement "anonyme" bouleverse beaucoup plus durablement la vie privée d'un cercle de personne circonscrit, surtout lorsque les hasards ont toujours desservis la recherche en cours (p. 275).
"Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé" écrivit Lamartine dans un tout autre contexte... L'auteur traite avec profondeur le thème de l'unicité de toute vie humaine.
Je ne saurais terminer sans rendre hommage au traducteur : bravo pour le rendu littéraire.
Un beau roman à lire, à offrir.
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