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Critique de Christio


J'ai achevé la lecture du livre Les oiseaux rares d'Hugo Paviot il y a déjà quelques jours et je garde bien en tête les personnages de cet ouvrage aux thèmes multiples – et tellement d'actualité – qui ne laissera pas le lecteur indifférent.

Les chapitres, assez courts, sont composés de phrases également courtes. Il n'y a pas de dialogues, chaque conversation ou émotion étant relatée par les personnages respectifs. Ce style indirect peut surprendre le lecteur au départ, mais une fois happé par l'histoire, celui-ci n'en fait plus cas. Au contraire, il peut ainsi mieux appréhender ce qui se passe réellement dans leur tête.

On découvre ainsi Sihem, jeune Franco-Algérienne de 23 ans, décrocheuse scolaire, qui tente de reprendre ses études dans un microlycée. Son enfance difficile l'a laissée particulièrement cabossée et mal dans sa peau. Cette fois elle veut y croire, car dans ce lycée heureusement, « on considère les enfants comme des personnes. On a le droit de parler comme on veut. On a le droit de rêver ».

Le hasard faisant parfois bien les choses, elle est hébergée dans une résidence pour seniors autonomes. C'est là qu'elle croise Émile, un octogénaire surnommé Zapata. Dès leur première rencontre, quelque chose les attire l'un vers l'autre. Peut-être est-ce leur parcours difficile ou leur solitude ? Zapata le résume ainsi : « Toi et moi on est pareil. Moi aussi je suis métis. Moitié vivant, moitié mort. Alors je te comprends. » Peu à peu, ces oiseaux rares vont s'apprivoiser, chacun aidant l'autre à avancer.

À Alger, de l'autre côté de la Méditerranée vit le jeune Achir. Malmené par la vie lui aussi, il travaille chez son oncle et vit de petits trafics. Son existence est morose, ses nuits peuplées de cauchemars et il sait qu'il devra sans doute s'exiler comme tant d'autres l'ont fait avant lui pour prendre enfin son destin en main.

L'intrigue se noue doucement et le lecteur se demande comment l'auteur va pouvoir rapprocher des êtres à la fois aussi ressemblants et aussi éloignés.

Deux autres personnages clés vont aider Sihem à prendre sa vie en main. Pour Hélène, sa professeure de français, les élèves « sont des oiseaux qui ne savent pas encore qu'ils peuvent voler ». Dans l'anarchie organisée du microlycée, son but est de redonner confiance à ces jeunes déscolarisés, même si « elle a parfois l'impression d'être Don Quichotte qui se bat contre des moulins ». Grâce à elle, Sihem va reprendre le goût des études et découvrir et aimer la littérature. Hélène saura aussi trouver les mots pour la faire revenir au lycée lorsqu'elle reçoit son appel à l'aide.

Toute aussi généreuse et bienveillante, Rose, la directrice de la résidence chouchoute ses pensionnaires, venus de tous les horizons : Zapata, Raymonde, Madeleine, Monsieur Ving et tous les autres. Chacun est arrivé avec son vécu et ses souvenirs ou, comme Zapata, toute sa vie dans quelques cartons empilés dans son appartement.

Peu à peu, naît une amitié improbable mais réelle entre Zapata et Sihem. le lecteur ne peut que sourire lorsque Zapata fait découvrir la géographie de la France à Sihem grâce aux cartes de restaurant qu'il a accumulé pendant des années dans une boîte à chaussures. Il la motive, la pousse lorsqu'elle doute ou se trouve nulle : « Toi tu n'a pas peur de te montrer comme tu es. Tu peux encore rêver de rester toi-même. C'est le plus beau des talents. »

Avec l'aide d'Hélène et de Rose, Zapata lance l'idée d'un voyage en Algérie et parvient à convaincre une Sihem réticente : « Pour avancer il faut deux jambes. Tu en as une ici, et une là-bas. » Et c'est ainsi que les destins d'Émile, de Sihem et d'Achir vont se croiser sur l'autre rive de la Méditerranée.

Avec eux, nous partons en voyage et prenons grand plaisir à découvrir Alger la Blanche, son front de mer, sa Casbah et ses dédales de rues. Achir, leur guide et ange gardien, est trop heureux de leur faire découvrir les lieux qu'il affectionne par-dessous tout, comme le petit port de la Madrague et les magnifiques ruines romaines de Tipaza. Une soirée avec des amis d'Achir leur fait réaliser à quel point les jeunes Algériens « sont pleins de rêves pour leur pays mais semblent résigner à ne pas les voir se réaliser ». Sans vouloir divulgâcher le dénouement, ce voyage se révèle être un tournant pour Sihem, Zapata et Achir. Zapata a pu se décharger de ses secrets et il est prêt pour le dernier acte de ses aventures sur cette terre. Sihem, enfin apaisée, sait qu'elle va pouvoir voler de ses propres ailes. Elle n'est plus l'animal blessé qu'elle était lors de leur première rencontre.

Ce roman est un ouvrage qui fait du bien, sans mièvrerie aucune selon moi. Les personnages sont attachants et pleins d'humanité. Au fil des chapitres, nous partageons leurs moments difficiles, leurs peines, leurs doutes mais aussi leurs petites victoires ou joies quotidiennes. Et nous nous disons que finalement, avec plus de bienveillance et d'entraide et moins de préjugés, il devrait être possible à chacun de trouver sa place dans la société.

Merci à Babelio et aux Éditions du Seuil de m'avoir permis de découvrir ce beau premier roman d'Hugo Paviot.

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