AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Fabinou7


Je n'en veux pas tant à Charles Peguy de ne quasiment pas parler d'argent dans son livre “L'Argent”, qu'à la quatrième de couverture d'Editeur qui, par hypothèse après lecture complète du livre, laisse encore à penser qu'on va essentiellement parler d'argent…

“Ils ne pouvaient pas soupçonner qu'un temps venait, et qu'il était déjà là, et c'est précisément le temps moderne, où celui qui ne jouerait pas perdrait tout le temps, et encore plus sûrement que celui qui joue.”

Peguy est un original et le lire participe à la construction d'une opinion à 360°… Mais Charlie se laisse aller à un exercice d'équilibriste un peu cafouilleur, est-ce qu'il dénonce la pauvreté ? la misère ? Ou bien le fait que les pauvres ne soient plus sagement satisfaits de leur sort ? La faute aux so-cia-listes et Jaurès, ce diable bourgeois capitalise - pas le patron, pas les conservateurs contre l'abolition du travail des enfants de moins de douze ans, la baisse de la durée hebdomadaire du travail de 12h à 10h - Non Jaurès, assassiné pour avoir tenté d'empêcher la même guerre qui fauchera Peguy un an plus tard.

Ainsi Peguy reproche à la gauche d'encourager l'ouvrier à la glandouille : faut dire qu'une journée de travail de dix heures à l'usine c'est farniente pour Peguy, confortablement journaliste, qui rejoins par là le taylorisme le plus primaire…

Bon à ce stade, vous le voyez venir, grossier comme du pain d'orge, levée de rideau, le voici sans plus tarder le.. c'était mieux AVANT !

Il nous parle d'un temps, pas si reculé, où les gens étaient heureux de leur condition et où nul estomac ne gargouillait, aucun mineur de fond ne songeait à améliorer une condition séculaire, que dis-je millénaire… c'était trente ans avant 1913, ce paradis perdu ! Aujourd'hui nous dirions avant 1970… c'est ça qui est très pratique avec le “c'était mieux avant”… comme l'horizon, ligne imaginaire qui recule au fur et à mesure qu'on avance, il avance à mesure que les années passent, le paradis perdu est toujours à portée de souvenir d'enfance, il a l'odeur des confitures et du lait infantile…

Bon mais tout n'est pas à jeter, au contraire, on découvre aussi un Peguy moins décliniste que socialiste, étrangement beaucoup moins cité aujourd'hui … sans doute ses thuriféraires de droite libérale-conservatrice contemporaine, obsédés par l'immigration et le c'était mieux avant (eux), sont un peu gênés aux entournures que leur auteur fétiche, leur argument d'autorité dénonce sans ambages le creusement des inégalités économiques, souligne la séparation des humains en classes sociales antagonistes ou encore le mythe bourgeois de l'émancipation financière des masses laborieuses par le travail : “jamais on avait vu tant d'argent rouler pour le plaisir, et l'argent se refuser à ce point au travail. Et tant d'argent rouler pour le luxe et l'argent se refuser à ce point à la pauvreté.”

“Le parti politique socialiste est entièrement composé de bourgeois intellectuels”. Mais Peguy démasque aussi l'hypocrisie socialiste, soulignant déjà bien l'univers bourgeois dans lequel évolue des politiciens dits “de gauche” et très loin des réalités de ceux dont ils sollicitent un mandat en blanc.

Il y a une permanence désarçonnante dans les courants d'opinions qui traversent la presse française. L'embourgeoisement des idées, des moeurs, des comportements est déjà une réalité qu'observe Charles Peguy, à défaut de l'égalisation des comptes en banque, “tout le rêve de la démocratie est d'élever le prolétaire au niveau de bêtise du bourgeois” résumait déjà Gustave Flaubert !

Je n'en ai pas vraiment eu pour mon argent..mais qu'importe on ne peut pas reprocher à l'auteur de ne pas avoir écrit le livre qu'on voulait lire !

Qu'en pensez-vous ?
Commenter  J’apprécie          845



Ont apprécié cette critique (80)voir plus




{* *}