AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de SZRAMOWO


Avec Georges Pelecanos, le rêve américain n'est jamais loin, surtout lorsqu'il vire au cauchemar.
Un jour en mai se passe en 1972 à Heathrow Heights, un quartier noir de New-York livré à la spéculation immobilière, «...ça meublerait les conversations chez les gens de gauche - le genre de truc qui fait hocher lentement la tête...entre le rosbif (...) et le deuxième verre de cabernet (...)»
La famille Monroe y vit. Ils portent le même non que le basketteur Earl Monroe des Knicks de New York. Ernest, fan de la série Mannix, et Almeda ont deux fils. James, l'aîné, fondu de mécanique, le premier noir à travailler dans une station service de blancs, et Raymond le plus jeune, rebelle dans l'âme.
Avec leurs amis Charles Baker, Rodney Draper et Larry Wilson trainent leur ennui devant l'épicerie de Nunzio, un Italien, le seul blanc du quartier.
Côté Connecticut Avenue et Dupont Circle, John Pappas, un Grec d'origine, gère un Coffee Shop à l'enseigne de Pappas et Fils. Il y tient à ce «et fils».
Son fils, s'appelle Alex. Un étudiant branché Humble Pie, Stones et Elton John, qui traîne le plus souvent en voiture avec Billy Cachoris, un autre Grec et Pete Whitten, un américain de «souche» pour autant que cette épithète s'applique à un Américain quel qu'il soit.
C'est à cause d'une viré en voiture qu'ils scellent leur destin. Un virée pour se fendre la gueule. Au sens propre et au figuré.
On passe à fond de train devant chez Nunzio, on apostrophe joliment les «nigers» qui prennent le soleil devant, et on leur balance une tarte à la cerise sur la tronche. Des gamineries, quoi, Monsieur le Juge.
Ce qui aurait pu rester un fait divers ne justifiant que quelques singes dans le Post devient une affaire dont les racines enfouies en 1972 refleuriront sans prévenir en 2007.
Pelecanos décrit les itinéraires croisé de ces adolescents devenus adultes, et que la vie a endurci, pas toujours pour le meilleur. Il décrit des années 1970 pas toujours en phase avec le «flower power». Malgré la guerre où les afro américains ont payé leur dû à la paix, les droits civiques de 1954, les blancs et les afro américains se regardent toujours en chine de faïence.
Il est désespérant de constater que rien n'a réellement changé. Vingt-cinq années plus tard, les enfants suivront le même itinéraire que leurs parents. Ils essaieront en vain de se racheter, mais le mal qu'ils ont semé ce jour de mai 1972 produit ses fruits et les contraint à se démasquer, à reconnaître leurs errements passé injustifiables.
L'écriture méticuleuse de Pelecanos a ce côté désespérant, sombrant dans les détails comme la vraie vie qui est faite de mille choses qui en nous détournant de l'essentiel, la rend plus vivable.
Page 156, on apprend à remplacer une chambre à air de vélo.
Page 256 à régler le mélange air-carburant d'une Corvette Monte Carlo.
Peut-on parler de Happy End lorsque l'on arrive à la dernière page du roman ?
Peut-être si l'on considère avec Pelecanos que lassés des postures, des hommes décident parfois de laisser tomber le masque et de redevenir des êtres humains.
Pelecanos, le sociologue de l'impossible.
Une leçon d'humanité.
Commenter  J’apprécie          180



Ont apprécié cette critique (17)voir plus




{* *}