Citations sur L'ère du complotisme (14)
La posture anti-impérialiste, initialement fondée sur la critique de la politique américaine internationale, est devenue pour certains un véritable paradigme, comme s'il s'agissait de la seule oppression mondiale, le facteur explicatif de toutes les dérives et de tous les désastres de la planète.
L'espace de créativité qu'aurait dû être Internet, et qu'il est encore heureusement à bien des égards, est donc devenu pour beaucoup un lieu d'abrutissement, de manipulation et de confusion.
Pour l'endoctrinement et la propagande, la nébuleuse complotiste a trouvé dans le format vidéo son vecteur privilégié. Face à une génération qui ne lit plus (ou en tout cas beaucoup moins), proposer un discours oral "prêt à l'usage" a été une des clés de la viralité des théories du complot sur le Web.
Il suffit en effet d'un bon orateur et de quelques effets de montage illustrant le propos pour rendre "sexy" n'importe quel discours fumeux ou fascisant.
Généralement, le complotisme se targue d'une intention noble: celle de nourrir et de défendre "l'esprit critique". A cette fin, les idéologues du complot ont fait du doute leur principal moteur rhétorique, insufflant à l'individu l'idée qu'il ne doit plus rien croire de ce qu'il ne pourrait lui-même vérifier.
La cible de la mobilisation est claire : Georges W. Bush est présenté comme un menteur et comme le futur bourreau des Irakiens. "Non à la guerre", "Pas de guerre pour le pétrole", "L'Irak aux Irakiens", "Stop Bush", "War is terror". Autant de slogans marquant un désaveu citoyen cinglant.
Alors que l'administration américaine argue l'existence d'armes chimiques pour justifier son intervention - prétexte dont on sait aujourd'hui qu'il était inexact -, les sociétés civiles occidentales réagissent massivement pour faire valoir leur opposition.
En face des certitudes assénées, parfois mensongères, et des manipulations récurrentes d'un pouvoir se sentant en position de force, le doute va devenir le principe fondateur de citoyens méfiants vis-à-vis d'une sémantique progressivement en perte de sens.
Dans sa nature même, le complotisme correspond à une réaction très humaine, s'esquissant comme une tentative de compréhension de réalités qui nous échappent.
Comment parler des logiques d'oppression si une grande partie des citoyens estiment que ceux qui prétendent les pourfendre en sont en réalité les auteurs?
La question du rapport aux sources en soulève une autre : celle de la confiance. Qui devons-nous croire ? Qui s'exprime ? A quelles fins ? Qu'est-ce qui, dans ce grand amas mouvant, est véritablement information, tromperie commerciale, esquive ou instrumentalisation idéologique ?