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Critique de frandj


Georges Pérec était un écrivain à nul autre pareil. Quand il avait un dessein littéraire, il le réalisait en allant jusqu'au bout de son ambition, sans demi-mesures, avec une obsession du détail et de la précision. Ce sérieux ne l'empêchait pas de cultiver occasionnellement l'humour et même la mystification. Amateur de procédés littéraires originaux, grand intellectuel, c'était aussi un homme très sensible, profondément marqué par le massacre d'une partie de sa famille par les nazis, pendant la guerre (Pérec était un Juif d'origine polonaise).

Dans ce livre très particulier, l'auteur propose au lecteur une double lecture, qui doit se faire en alternance: d'une part une recherche autobiographique, d'autre part un récit de fiction assez bizarre. J'avoue ne pas avoir compris l'intérêt de la mise en parallèle de ces deux volets. En elle-même, la description minutieuse d'une île imaginaire, W, dédiée au sport, est assez intéressante mais je ne vois pas le rapport avec l'introspection personnelle à laquelle se livre l'écrivain. Je me concentrerai donc sur l'autre aspect du livre.
G. Pérec s'attache à exhumer ses toutes premières réminiscences d'enfant au sein d'une famille pauvre immigrée à Paris, suivies de souvenirs plus nombreux concernant sa vie ultérieure (pendant la guerre) dans le Vercors où il avait été envoyé par précaution.
Ce qui me frappe dans cette étude du passé, c'est l'honnêteté, le perfectionnisme, l'obsession de la justesse qui caractérisent Pérec. La démarche importe beaucoup plus que son résultat, qui est une minuscule vérité ne concernant que l'auteur. Il décortique sans concessions les faux souvenirs et les souvenirs écrans, il rétablit les faits quand c'est possible, il n'omet aucun détail (même non significatif), et pourtant son passé reste largement insaisissable. Pour lui qui était d'une extraordinaire lucidité, cette impossibilité de cerner toute la vérité devait être difficile à admettre, d'autant plus qu'il concernait une époque où ses repères familiaux ont en grande partie disparu sans laisser de traces.

Ce livre nous concerne aussi. Si nous nous intéressons à nous-mêmes, n'avons-nous pas le même problème que G. Pérec avec notre passé - même s'il n'est pas marqué du sceau du tragique ? Que savons-nous vraiment de nos premières années, qui nous ont façonnés ?
Un livre assez difficile, mais profond, émouvant, qui nous interpelle tous indirectement.
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